Trois maîtres, c'est la volonté de Stefan Zweig de nous parler des trois écrivains qu'il considère comme les plus importants de leur époque : Honoré de Balzac, Charles Dickens et Fiodor Dostoïevski.
On retrouve un tant soit peu le style de Zweig que l'on avait pu voir à l'œuvre avec brio sur des biographies de Marie-Antoinette ou Marie Stuart (entre autres) mais moins développé tout de même et composant avec un aspect plus "essai" que biographique même si l'on retrouve beaucoup d'éléments de ce dernier genre.
Ce n'est pas une mauvaise chose en soi que ce mariage des genres mais malheureusement le traitement des trois auteurs est inégal et l'ensemble laisse un peu le lecteur sur sa faim.
En effet si Dostoïevski a la chance de bénéficier de plus de pages et surtout de plus d'analyse de fond, les auteurs anglais et français sont un peu survolés. Que l'on se comprenne bien, cette sensation de manque vient du fait que la plume de Stefan Zweig est si jouissive que l'on en redemande.
Il nous parle de Balzac et de sa folie de travail, de sa "science intuitive" lui permettant de parler avec précision de choses qu'il n'a pas réellement vues ou connues, de ses personnages "à passion" qui cherchent à s'élever au dessus de la société.
Il nous parle de Dickens et de sa renommée, de ses personnages désirant trouver leur place dans une classe sociale et le confort qui va avec, de cette poésie quotidienne qui émane de ses œuvres, de cette Angleterre "bourgeoise et rassasiée" dans laquelle orphelins et pauvres cherchent à s'insérer.
Enfin il nous parle de Dostoïevski, de ses crises d’épilepsie, de ses personnages passionnés jusqu'à la déraison la plus totale, de son amour plus que patriotique pour la Russie, de son rapport à Dieu conflictuel mais paradoxalement salvateur et surtout de la souffrance moteur de la vie selon l'auteur des Frères Karamazov.
On boit les paroles de Zweig qui me donne envie de commencer La Comédie humaine, de lire plus de Dickens et de relire quasiment tous les Dostoïevski.
Avec cet essai grande est la soif de connaissance qu'il procure tout comme la frustration de ne pas avoir quelque chose de plus profond, détaillé et conséquent. On n'aurait vraiment pas été contre une biographie de chacun des trois maîtres séparément.