Poétique, folle et extatique la prose de Henry Miller nous imbibe de ses innombrables saveurs et flamboyances. Situé quelque part entre les années folles et la Grande Dépression, dans un New York surréel et inondé de tous les parfums de la race humaine ( l'alcool, les embardées noctambules, la dérision et la déraison et les femmes, surtout...) Tropique du Capricorne narre, à mi-chemin entre l'autobiographie et le roman d'aventures, les errances répétées d'un écrivain en quête perpétuelle d'absolu et de jouissance...
A l'image du scénario de vie dudit Miller la prose de l'ouvrage est et restera littéralement erratique, imparfaite mais néanmoins profonde et bouleversante. Tout - chez l'écrivain new-yorkais - relève du personnel et de la sublimation poétique : un trolley métaphysique, un sexe de femme polyglotte, un néon bleuâtre et mentholé, une Mort prête à renaître... Certes les souvenirs de l'âge adulte du romancier ne sont pas toujours clairement contextualisés, prenant souvent la forme d'interludes au gré des pages. Et pourtant le livre fascine, chavire et ébranle toutes nos attentes, au point de souvent nous tirer des larmes de joie et de désespoir.
C'est, de fait, remarquablement écrit et d'une inouïe liberté : on pense aux odeurs de l'enfance, au regret de quelques secondes de pure passion, au cynisme expurgé de toute forme de sentimentalisme, au sexe, énormément : Henry Miller n'a que faire de paraître sympathique aux yeux de ses lecteurs, privilégiant l'hédonisme aux bonnes convenances, le symbole au factuel, la vie à son commentaire. Il est vrai, purement et simplement. Du haut de ses quelques 500 pages Tropique du Capricorne - dictionnaire d'images lettrées d'extase totale - parvient à réinventer la poésie moderne, à renfort d'émotions érotiques et existentielles entièrement inoubliables. A lire absolument au moins une fois dans sa vie.