Tu me vertiges (jolie expression contenue dans un pneumatique envoyé par Maria Casarès à Camus) est un récit retraçant la relation entre l’auteur et la comédienne. 




S’il n’est pas particulièrement bien écrit et semble parfois broder autour de conversations dont le but évident est de montrer un Camus très jaloux et une Casarès en galicienne indomptable, défendant à tout prix sa « liberté », ce roman permet néanmoins de se replonger de manière ludique dans la vie intellectuelle parisienne des années de l’Occupation (le couple se rencontre lors d’une fête chez les Leiris en 1944, ces intellectuels ayant encore le luxe d’organiser des banquets avec des aliments trouvés au marché noir) à l’année 1960, date de l’accident mortel de Camus.


Cette époque où l’on pouvait croiser dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés le regard dur et froid de Beauvoir (charmée par Camus, qu’elle agaçait) et la laide figure de Sartre (jaloux de Camus, dont le charme l’agaçait)…
Ou bien lors de fêtes qui réunissaient Picasso, Bataille jouant le taureau face à un Sartre matador, Lacan posant des questions susceptibles de ruiner l’ambiance et Mouloudji, toujours prêt à rythmer ces joyeuses réunions…


On croise aussi de nombreux acteurs amoureux de l'art théâtral dont Marcel Herrand qui mettra en scène Le Malentendu en 1944 au théâtre des Mathurins ainsi que Jean-Louis Barrault et Gérard Philippe…


Revendication féminine d’indépendance d’un côté (assez paradoxale puisqu'elle est liée à une multiplication des amants destinée à éviter la solitude), désir masculin de pleine possession de l’autre (désir absurde puisque Camus avait une famille de son côté : femme dépressive, belle-mère rayant de partout le nom de Casarès et des enfants) mais nostalgie du pays des deux côtés ; ces deux exilés se retrouvent dans leur quête de reconnaissance au coeur d'un Paris intellectuel et dansant. S’attachent, se perdent, et se retrouvent…


Bref, l’intérêt principal de cette lecture, outre les quelques éléments biographiques qu’elle livre à propos des intellectuels de l’après-guerre, c’est qu’elle donne immédiatement envie de revoir Les enfants du Paradis, de redécouvrir le jeu de Casarès et de relire les oeuvres de Camus…

Dépeupleur
7
Écrit par

Créée

le 2 sept. 2018

Critique lue 269 fois

2 j'aime

Dépeupleur

Écrit par

Critique lue 269 fois

2

Du même critique

Un jour un chat
Dépeupleur
7

Ici, quand passent les cigognes, on les canarde !

Eh oui, c’est comme ça qu’ça s’passe dans ce film tchécoslovaque réalisé par Vojtěch Jasný et sorti en 1963 ; la faute à un directeur d’école intransigeant, chasseur et taxidermiste dont le but est...

le 23 oct. 2016

10 j'aime

3

Coup de torchon
Dépeupleur
8

Règlement de comptes à OK Colonial

Ou comment tuer l’ennui sous le soleil. On retrouve ici Philippe Noiret incarnant Lucien Cordier, un véritable maître de la dialectique sophiste, ne cessant de bafouiller : « Je ne dis pas que...

le 4 juin 2018

7 j'aime

Poèmes suivi de Mirlitonnades
Dépeupleur
8

Cap au pire

L'écriture de Beckett parvient toujours à retranscrire l'inéluctable mouvement vers le pire... ce qu'a de pis le coeur connu la tête pu de pis se dire fais-les ressusciter le pis revient en pire En...

le 30 août 2018

4 j'aime

1