En voilà une belle claque venue du passé ! Ayant déjà lu Malevil, probablement LE roman post-apo français (qu'on devrait placer entre les mains de tous ceux qui ne jurent que par Ravage), je n'ai pas hésité en tombant sur celui-là au hasard d'une boîte à livres. Il faut dire que le point de départ est assez alléchant : au début des années 1970, une équipe de scientifiques humains parvient à communiquer avec l'espèce delphinique.


Moins science-fiction que politique-fiction, comme Merle l'annonce lui-même dans une courte préface, on assiste surtout à une fable philosophique sur la nature de l'être humain qui ne sacrifie pourtant rien au roman. Entre le récit bien mené et franchement terrifiant (ceux qui le trouvent "daté" ne se projettent probablement pas assez dans une époque ou le traumatisme du nucléaire et sa menace latente étaient quotidien), les personnages dépeints avec précision et souci de réalisme et le style incroyable de l'auteur, impossible de s'ennuyer.


Un mot sur le style, justement : Merle propose une majorité de chapitres au rythme incessant grâce à la non-utilisation de la mise en page et une syntaxe réduite à sa plus simple expression. 20,30,40 pages parfois ou les lignes s'enchaînent les unes après les autres en mêlant description, dialogue, action, monologue intérieur, le tout seulement rythmé par des virgules, et tout ça sans perdre le lecteur. On sait toujours qui parle, qui pense, ce qui est en train de se passer, car on est plongé au coeur du récit et des personnages.

Ces derniers agissent d'ailleurs comme une palette permettant de décliner toutes les formes prises par la folie de l'homme (délire, obsession, paranoïa...), folie d'autant plus visible qu'elle contraste avec la simplicité du dauphin. Personnages complets, ceux-ci se transforment rapidement dans l'esprit du lecteur pour passer du statut d'animal-cobaye à celui de personne, ce qui renforce la portée de leurs déclarations et de leur vision de l'homme, qui n'est finalement que le reflet de l'image que ce dernier leur donne.


C'est là que l'oeuvre frappe juste : les mots simples des dauphins suffisent à décrire avec justesse un être dont la complexité apparente n'est qu'une surface. La conclusion sera sans appel : l'homme n'est peut-être pas fondamentalement mauvais, mais sa déraison est certaine.



Chips
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le 2 févr. 2023

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