Après s’être interrogé en 2020 sur la tyrannie du rire, et raconté comment il s’est fait “virer” de la matinale de France Inter dans L’homme qui pleure de rire, Frédéric Beigbeder est de retour avec un nouveau récit en forme de bilan dans lequel il revient sur son enfance mais aussi sur ses amours passées et sur sa vie d’aujourd’hui du côté du Cap-Ferret.
Le livre démarre par une suite d’impressions et de réflexion sur notre société actuelle (“Combien d’années de féminisme faudra-t-il encore attendre pour qu’enfin les femmes se décident à aborder les hommes ?”), d’aphorismes parfois poétiques (je n’écris pas, je tricote, une phrase à l’endroit, une phrase à l’envers), ou philosophiques (Pourquoi n’ai-je pas les mêmes souvenirs à cinquante cinq ans qu’à quarante deux) et puis, au fil des chapitres, le récit évolue vers un texte plus dense, plus à l’image de ce que l’auteur de 99 francs a pu nous raconter au cours dans ses précédents livres.
C’est donc encore une fois un récit en forme de bilan que nous offre Beigbeder. Comme toujours, c’est touchant, c’est plein de nostalgie, surtout quand il évoque son enfance, le rapport avec son frère ainé Charles (plus bosseur et moins noceur que lui), mais aussi ses parents divorcés lorsqu’il était enfant et, comment, après avoir mené une vie de patachon, il a fini par se caser avec une fille qui a la moitié de son âge et avec laquelle il a eu deux petits enfants, lui le papi papa, rescapé des folles nuits parisiennes, lui qui s’est encanaillé jusqu’à plus soif avec Laura Smet, fille de Johnny et Nathalie, et avec laquelle il aura vécu un amour court et intense avant de trouver une forme de sagesse aux côtés de Lara, son épouse actuelle, dans une nouvelle vie qui du côté du Bassin d’Arcachon, là où il allait en vacances était jeune, et où il a établi son spot, entouré de ses proches et ses amis, à commencer par Benoit Bartherotte, un “Hemingway en calbute”, un personnage fantasque qui bâtit jour après jour une digue afin que l’océan ne vienne pas envahir son bout de terre à la pointe du Cap-Ferret, où il y a cette cabane dans laquelle s’est établi Beigbeder pour écrire son livre, face à l’océan.
Récit en forme de confession de la part de cet ex-fils à papa revendiqué qui s’est toujours oppose à l’autorité, Un barrage contre l’Atlantique touche par sa sincérité et son propos nostalgique pour cet homme de 56 ans qui a vieilli, qui doute et se pose toujours autant de questions sur l’époque actuelle… un homme chez qui tout forme de cynisme semble avoir disparu pour laisser place à la sobriété et la prudence. Un livre dans lequel ceux qui ont vécu leur enfance dans les années 70 trouveront, ici ou là, quelques madeleines de Proust encore bien moelleuses, des choses oubliées comme l’émission y a un truc de Gérard Majax, le télécran et toutes ces petites choses bien planquées dans un coin de notre mémoire.
https://www.benzinemag.net/2022/01/16/un-barrage-contre-latlantique-memoires-dun-beigbeder/