Corrag, les poings liés dans son cachot au plus froid de l'hiver attend l'heure où les Hommes qui lui crache "sorcière" la mettront sur le bûcher. Il lui semble pourtant qu'elle n'a pas mérité un tel sort... Elle ne croit pas en Dieu et dit n'avoir aucun roi, elle préfère accorder son attention aux plantes et aux animaux en qui elle voit des alliés. Elle est frêle comme une brindille et a toujours fait preuve de bienveillance mais voilà, elle est née d'une mère, elle même traitée de sorcière, elle connaît des remèdes à base de plantes et est solitaire. C'est ici, ses seuls crimes. Assise dans sa geôle, elle relate sa vie au prêtre qui l'écoute. Si il lui prête attention, c'est en vérité pour obtenir les informations qu'il est venu chercher sur le massacre de Glencoe. Mais le récit de Corrag met les certitudes du prêtre à dure épreuve, il parle de ses doutes à sa femme, à qui il envoi des lettres empruntent d'un amour non feint.
Par les yeux de cette jeune femme, l'auteur nous invite à ouvrir les yeux sur la beauté des petites choses, notamment dans la nature, ici les Highlands. On redécouvre la perfection pure et simple des paysages de chaque saison, l'innocence magnifique des animaux, la belle complexité et diversité que sont les sentiments amoureux. C'est un roman historique, naturaliste, féministe et romanesque. Ce n'est pas seulement une histoire d'amour entre un homme et une femme, mais un amour que le personnage principal dégage tout autour d'elle, envers toute personne et toute chose. L'histoire semble noire et triste si l'on s'en tient au résumé du livre, mais il n'en est rien. Corrag nous insuffle espoir, amour, patience, bienveillance. Malgré le sort qui lui est réservé et l'injustice qu'elle a subit dans sa vie, elle ne donnera jamais raison aux gens qui lui ont jetés la pierre, elle ira même à leur rencontre, jusqu'à trouver au creux d'une vallée la sérénité et la sécurité qu'elle a toujours recherché. Elle n'échappe pas non plus à l'amour, contre lequel sa mère l'avait pourtant toujours mise en garde, à tort.
L'écriture est fluide, magnifique, émouvante, oserais-je dire ensorcelante. Le roman est rythmé entre les temps de récit de Corrag et les lettres que le prêtre écrit à sa femme. Ainsi, on a d'un côté les émotions de Corrag liées à son histoire, et d'un autre les émotions, les doutes, les réactions d'un prêtre qui au départ était hermétique au discours de la prisonnière, de par les préjugés qui entoure sa religion, mais qui devient de lettre en lettre de plus en plus émue, remué par ce qu'il apprend de cette jeune femme.
C'est indéniablement un des plus beau livre que j'ai eu le plaisir de lire. Tout n'est que beauté, grâce, humanité, amour, espoir, bienveillance. Les récits de Corrag tout comme les lettres nous bercent dans un univers qui à chaque mot devient toujours plus réel. Nous en venons à sentir le l'eau froide des cascades des Highlands, à voir les montagnes entourant la vallée secrète de Corrag, à entendre la chouette hululer. La description des lieux est saisissante, à tel point qu'on finit par ne faire qu'un avec ce personnage si sensible et observateur qu'est Corrag. L'émotion qui nous saisit à lire ce livre n'est pas la tristesse mais un doux tourbillon d'émotions.