Marian a tout de la femme par excellente, elle est jeune, bien élevée et travailleuse. Pourtant, elle se sent imbriquée dans un travail où aucune progression n'est possible, dans un appartement où elle se sent piégée et dans une relation amoureuse dont elle n'envisage même pas un avenir. Rien ne semble bouger, jusqu'au jour où Peter l'a demande finalement en mariage. Elle dit oui... Après tout Peter est un homme beau et respectable, n'est-ce pas ce que souhaiteraient toutes les femmes ? Mais voilà, mariée, elle représente un risque pour son entreprise, elle devra quitter son travail. À mesure que les noces approchent, elles se retrouvent dans l'incapacité de manger alors qu'à l'inverse elle a de plus en plus l'impression d'être dévoré par une société qui veut faire d'elle une femme à la fois une femme dévouée et séduisante. Elle rencontre un jeune étudiant pour le moins étrange, même quelque peu inquiétant, une jeune paumé et décalé. Il n'est pas beau et n'arrive à rien, mais il semble vrai, il semble lui-même. Tout deux nouent une étrange relation, comme si inconsciemment, ils tentaient de se sauver l'un l'autre de quelque chose qui les dépasse. Marian arrivera au point fatidique où elle devra faire un choix qui jouera sur le reste de sa vie.
C'est le premier roman de Margaret Atwood, il est publié en 1969. L'histoire se déroule dans le cadre ces années-là et la place de la femme est encore clairement indiquée auprès d'un mari respectable à élever les enfants selon un registre bien défini. Son livre pose incontestablement la question suivante : la femme est-elle un produit de consommation ?
Les éléments mettent du temps à se mettre en place, il faut arriver à la moitié du livre pour avoir enfin toutes les cartes en main. Si au début, il est difficile de comprendre où veut nous mener l'auteur, le choix de cette lenteur reflète l'indécision même du personnage de Marian, son incapacité à avancer sur un chemin qui ne serait pas tout tracé. Mais lorsque le chemin nous apparaît, il devient alors clair que Marian souhaite s'en détourner à chaque occasion. Émotions et sentiments sont absents et peuvent convaincre le lecteur d'abandonner le livre, mais tel est souvent l'outil de Margaret Atwood pour nous interpeller ! Pleurs et fous rires ne font pas frémir Marian, car sa vie n'a rien de passionnant et c'est bien dans la peau de ce personnage que l'on doit rester pour comprendre le point de vue de ce roman. Le message de l'auteur est clair comme de l'eau de roche à la fin, mais il faut accepter de suivre son cours. Son oeuvre est comme un jeu de piste dont on ne pourrait comprendre le sens qu'en commençant par le début et en mettant chaque pas exactement où elle nous demande de le poser. Laissez-vous embarquez et ouvre les yeux ! Tout son livre n'est que l'ironie qu'elle exprime à l’insu de son personnage. Les messages qu'elle veut nous faire passer sont débordants de vérité et malheureusement encore d'actualité 50 ans plus tard. Son livre est critique et invite à sortir des cadres, des mœurs réglementaires et à être enfin libre. Le personnage de Duncan est étrangement attachant, mais là aussi nous réagissons en miroir à Marian. Il déborde d'une telle originalité, qu'il en devient le point central de l'histoire, il marque le début comme la fin, il est l'auteur des rebonds tant attendus au milieu de cette société qui tend vers l'uniformité. Duncan est la goulée d'oxygène du roman, la goulée d'oxygène de l'asphyxie de Marian. On ne peut se libérer de l'étouffement que procure le livre qu'en arrivant à son terme ! Ce livre très féministe est original et soigné, il est même manipulant et perturbant. Il nous vaccine le temps de quelques centaines de pages des sentiments et des émotions qui font l'intérêt de la vie. Il nous laisse apercevoir une des vie de ces femmes qui ont suivi sans passion le chemin que la société lui avait tracé.
Osez ce livre et laissez-vous portez par le style déjà bien marqué de Margaret Atwood. Récoltez les indices que sème l'auteur tout au long du livre pour en comprendre le message et vous faire happer par la suite de l'histoire. Ce n'est ni un roman policier, ni un roman d'aventures, ni un roman romantique. C'est un roman VRAI, de ceux qui nous offre un nouveau regard. Quand vous serez arrivé à la moitié du bouquin, vous voudrez forcément en connaître la fin.