Difficile de poser les mots pour qualifier un tel bouquin.
Un chœur d'enfants maudits est une plongée abyssale dans le Vieux Sud : celui du bayou, de la boue, des marais, des tempêtes, des cahutes, du tord-boyaux, de la crasse et du sexe sale.
C'est une ode, une déclaration d'amour à ce monde un peu coupé du reste, du grand, du vaste. Un anti-héros à la fois étrange, antipathique et attachant nous guide dans les tréfonds d'un bouge hanté de tous les côtés, réglé par les sortilèges tissés par les sorcières du coin, par les adolescentes trop désirables, trop vite enceintes, par cette ségrégation qui persiste et ce culte religieux étrange, loin de tous les dogmes officiels. C'est un basculement dans un univers onirique, poétique et mystique, où l'on s'aventure jusqu'à la limite de l'horreur, juste assez pour en frissonner, toujours subtil. C'est un bijou qu'on dévore plus qu'on ne le lit, où le style sinon parlé se fait fluide, percutant, pertinent.
On en vient à souhaiter que ce monde-là ne meure jamais totalement. Que les fantômes demeurent, que les morts reviennent à chaque ouragan, que les secrets de famille restent vivants et que grandeur et décadence continuent de rythmer la vie de ces personnages profonds, écoeurants, fascinants.
Piccirilli, ou le Faulkner des pauvres, un Sartoris de misère. Presque parfait.