Après Le rêve d'un homme ridicule et Le petit héros ainsi que les Nuits blanches et les Carnets du sous sol, il me restait cette petite nouvelle de Dostoïevski sur l'étagère.
Un petit livre me rappellant les autres sus-mentionnés par sa jolie première de couverture faite par Babel.
Encore un titre appellant à la douceur : "Un coeur faible". Une envie d'émotions qui se trouva assouvie par ces 80 pages se lisant d'une traite.
La scène est rapidement posée, presque trop, au bout de quelques pages on se demande s'il ne s'agit finalement que de cela ? Deux amis, d'une autre époque, avec une autre culture et des codes distincts de l'amitié occidentale de notre 21eme siecle. Des chamailleries presques dérangeantes, de grandes déclarations d'amour amical qui rebutent légèrement en début de nouvelle. Puis les choses se mettent en place, les personnages se dessinent. Un des deux amis, Vassia, semble plus faible que l'autre, plus introverti, moins confiant, moins beau, plus pleutre. Les choses se passent bien pour lui : il a trouvé une fiancée et est apprécié de son patron. Il est heureux ! Et d'autant plus heureux qu'il prend conscience de la chance qu'il a de partager son bonheur avec son ami.
Mais voilà, empruntant les mots de cet ami Arkadi qui ne pourrait mieux que quiconque comprendre ce qu'il se passe : "Le problème était que Vassia n'avait pas rempli son devoir, que Vassia se sentait coupable devant lui-même, se sentait ingrat devant le destin, que Vassia était anéanti, bouleversé par le bonheur et s'en sentait indigne p62"
Le bonheur n'arrive pas avec son mode d'emploi ! Ainsi les pages s'enchainent, la discussion de ces deux amis avance. De confidences en confidences on entre dans ce qui fait de cette petite nouvelle, comme des autres nouvelles de Dostoïevski que j'ai pu livre, un délice. On passe au dessus de la forme initialement rebutante pour en apprécier le fond. On est touché par ce coeur faible. Petit à petit les grandes phrases un peu vieux jeu défilent sans qu'on s'y arrête mais eveillent au fond de notre esprit le vrai message de Dostoïevski. On en vient à toucher du doigt, à voir de manière limpide des sentiments déjà ressenti sans jamais avoir su se les expliquer. Dostoïevski ne touche pas tant par ses mots que par ce qu'il réussit à nous transmettre entre les mots qu'il choisit. Ici comme ailleurs dans ses nouvelles, on s'y retrouve forcément quelque part.