Coeur blanc, mains rouges...

Un bouquin superbement écrit sur une histoire à la fois simple et déroutante. Simple parce qu'il s'agit d'un bête secret de famille, le genre des secrets bien gardés des familles bourgeoises de notre siècle, et déroutant parce que chaque chapitre semble raconter une petite histoire indépendante, presque déconnectée du thème principal lourdement placé sous le sceau de Macbeth et de son crime... Le livre garde pourtant une belle cohérence en dépit des incidents décousus grâce à des résonances intéressantes d'un chapitre à l'autre. L'écriture, fluide et souvent en très longues phrases, est très belle.

Bon, ça commence assez rude avec un beau suicide des familles, quand une jeune femme se tue dans la salle bain de sa maison pendant que ses invités dînent au salon... Puis le livre suivra un jeune couple, Juan et Luisa, qui viennent de se marier, mais dont la vie conjugale va être mis assez vite à l'épreuve. Une conversation entendue durant la nuit de noces dans un hôtel va peu à peu semer le désordre dans la pensée de Juan, et éclairer d'un jour sombre les notions même de mariage ou de confiance. "Un coeur si blanc" est ainsi une référence à Macbeth, à son épouse surtout, à cette situation où l'on devient témoin / complice de quelque chose de grave.

Avouer ou ne pas avouer son secret, partager ou non ce que l'on a vu , faire confiance à l'autre, semblent être les thèmes de ce livre assez pessimiste je trouve. Parfois des mots sont juste prononcés, d'autres fois des actes sont commis, enfin des secrets pèsent sur les personnages. le métier d'interprète de notre héros est intéressant par le barrage de mots qu'il construit autour des autres, de leur pensées réelles, avec cette distorsion que toute traduction implique. (Il rencontre sa femme en faisant "parler" un diplomate de l'ONU à sa place, moment assez amusant du livre). A noter d'ailleurs un certain machisme qui fait dire au narrateur "les femmes sont ainsi", "les femmes sont comme ça", les femmes font toujours cela etc... " Ce manque d'élégance dans la pensée tranche avec le beau style du livre.

L'intrigue nous mène de Cuba à New York en passant par Madrid, en un voyage qui se rapproche de plus en plus du centre de cette famille espagnole à la figure paternelle trouble. Un secret se révèle qui éclaire et colore tout ce que l'on a lu. C'est bougrement bien construit comme bouquin et je le recommande pour cela.Quel dommage que sur la fin, je n'arrive pas à suivre l'auteur dans ses conclusions, que je trouve assez odieuses en fin de compte, même si fictives, et qui me font me demander si c'est un procédé littéraire ou un sale trait de caractère de l'auteur... Je vais y réfléchir et vous laisse en juger pour vous même...