Depuis 1996 où un stage l’a emmené faire du contrôle qualité dans des usines chinoises, et 2019 où il a été nommé attaché culturel à Wuhan, les séjours d’Alexandre Labruffe au « Pays du Milieu » lui ont permis d’y constater l’ampleur des mutations survenues ce dernier quart de siècle : un miracle économique jalonné de catastrophes écologiques et sanitaires, sous un vernis pseudo-libéral masquant mal une réalité demeurée profondément totalitaire. Dans ce contexte, l’épidémie de Covid-19 n’a même presque plus rien pour surprendre...
Le tableau a de quoi effrayer. Usines consacrées au seul dieu du rendement à tout crin et à tout prix, villes asphyxiées par la pollution, fleuves dépotoirs, sol-air-eau contaminés, crises sanitaires à répétition gérées à l’économie ou simplement ignorées : les micro-apocalypses pavent le quotidien d’une population chinoise par ailleurs surveillée dans ses moindres faits et gestes, alimentant un récit halluciné aux allures de dystopie, dont l’humour grinçant achève de souligner l’infernale noirceur.
Alors, quand fin 2019, éclate à Wuhan une nouvelle crise à propos d’un terrible virus dont on ne sait rien encore, aucun étonnement ne traverse l’auteur alors sur place. Rentré à Paris avant le confinement de la ville chinoise, il n’aura rien à nous apprendre que l’on se sache déjà sur la suite des événements, juste l’envie de partager son sombre constat que tout cela nous pendait bien au nez.
Si le vécu, l’humour et la plume d’Alexandre Labruffe rendent à la fois intéressante et agréable la lecture de ce très court livre, je l’ai malgré tout achevée sur un petit arrière-goût de frustration. Cette mise en perspective de la naissance en Chine de la pandémie actuelle aurait mérité plus d'analyse et moins d'émotion, sous peine de - opportunisme oblige ? -, risquer de paraître trop forcer le trait pour mieux faire sensation.
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