Un instant. Il suffit parfois d'un instant pour faire basculer toute une vie. C'est le cas de Thomas Sheppard qui est né et a grandi à Falmouth, petite ville portuaire perdue en Cornouailles. Il n'avait jamais quitté Falmouth jusqu'à ce qu'il y commette l'irréparable. Il y revient en paria. Les gens n'ont pas oublié. Lui non plus, bien sûr, n'a pas oublié, ça fait partie de lui maintenant, de son identité, c'est quelque chose qu'il se traîne comme un boulet.
Il raconte son histoire. Il n'y a pas de justification, on ne saurait justifier. Et puis il n'y a peut-être rien à justifier. Il y aurait juste à croire mais personne ne le croirait. A-t-il seulement cherché à être cru ? Thomas a vécu une vie banale et toute tracée jusqu'à ce jour là. Et quand c'est arrivé, il a suivi le mouvement, s'est laissé porter par les accusations. Mais enfin il raconte. Sa version, sa vraie version. Elle est sèche, elle est troublante car elle l'accuse, mais pas du crime dont on l'accuse. Cette version là, c'est presque la suite logique de la triste banalité d'une vie qu'il ne supportait plus. Cette version là, personne ne l'a jamais entendue. Enfin personne, sauf deux compagnons d'infortune. L'un de cellule, l'autre d'être un exilé chez soi.
Il raconte la prison aussi. Parce qu'elle aussi, elle fait partie de lui, maintenant, il se la traîne, comme un boulet. La prison qui devait être une fuite. La prison plutôt que de rester là. Et une rencontre, une rencontre qui annonce un mieux. Et puis, la sortie, enfin, comme une délivrance, mais avec rien à retrouver, rien que Falmouth, comme un retour en arrière, redouté mais nécessaire avant le nouveau départ. Car l'on sent bien qu'il ne cherche pas à s'installer. Il ne vit qu'un simulacre de vie, dans ce retour où il est persuadé que personne ne pourra le comprendre ou l'accepter. Il est là pour autre chose. Pour affronter ses démons, peut-être. Pour en finir avec eux. Pour mesurer l'écart entre ce Thomas là et le nouveau.
Un roman qui nous amène à explorer l'âme de ce personnage perdu, ou qui était perdu tout du moins, à chercher avec lui les causes, à mesurer les conséquences. Troublant car à vrai dire, l'on ne sait pas bien quoi penser de cet homme ordinaire qui devient extraordinaire de la pire manière qui soit, pour finalement devenir lui-même. Simplement lui-même.