Un lieu incertain
7.4
Un lieu incertain

livre de Fred Vargas (2008)

Avant de commencer avec ce roman-ci en particulier, entamons quelques généralités.
J'aime Fred Vargas. J'aime son mélange d'humour et de mystère. J'aime qu'elle soit une médiéviste et la façon qu'elle a d'utiliser les mythes, légendes et terreurs médiévales pour les actualiser. La peste, le loup-garou, l'élixir de longue vie... On est dans un monde où les peurs ancestrales, les croyances antédiluviennes sont toujours vivaces et alimentent sans cesse un imaginaire sombre.
J'aime Jean-Baptiste Adamsberg. Le pelleteur de nuages. Le doux rêveur. Le commissaire dont les pensées sont tellement farfelues qu'on se demande comment il fait pour s'y retrouver lui-même. Et d'ailleurs, il ne s'y retrouve pas. J'adore me perdre dans les méandres de sa psyché délirante. J'adore la façon qu'il a de tout confondre, de mélanger les pieds coupés, le thékophage et l'ours qui trône dans le salon, de trouver une piste de l'énigme en pensant à des poissons bretons, etc.
J'aime Danglard. Plus précisément, j'aime le duo Adamsberg-Danglard, l'attirance des contraires. Car nul n'est plus opposé à Adamsberg que le maniaque Danglard, puits de science sans fond, tonneau des Danaïdes de la culture générale. l'un est doté d'une mémoire impressionnante là où l'autre est incapable de retenir quoi que ce soit. L'un est toujours élégant là où l'autre érige le laissez-aller en art de vivre. Ils ne se comprennent pas, ont du mal à se supporter, et ne peuvent travailler l'un sans l'autre.
J'aime cette brigade de police. Retancourt, Voissenet, Mordent, et le chat obèse calé sur la photocopieuse et qu'il faut transporter jusqu'à ses gamelles. Froissy qui cache de la nourriture partout (ce qui, sans le vouloir, sauve Adamsberg plus d'une fois). Et Estalère, qui ne comprend rien à rien et ne parvient pas à laisser de côté les délires du commissaire.
Pour ne pas faire de jaloux, j'aime aussi Lucio, le voisin d'Adamsberg, qui n'arrête pas de se gratter la piqure d'araignée sur son bras disparu depuis soixante ans, au moins.

Cet épisode là n'est, certes, pas le meilleur de la série (cette place revient, selon moi et pour l'instant, sans conteste à Sous les vents de Neptune : http://www.senscritique.com/livre/Sous_les_vents_de_Neptune/critique/7808712 ) mais il se lit avec régal. Humour et mystère, drame personnel et tragédie familiale, cimetière gothique et village maudit, mouettes à l'accent anglais et poissons à la sauce bretonne, tout est présent, y compris cette petite touche de gore qui manquait aux autres romans de Vargas.
L'action est toujours en mouvement, entre Paris, Londres et la Serbie. Les personnages secondaires sont tous "hauts en couleurs", selon l'expression consacrée. Adamsberg prend encore plus de consistance, tout en restant ce personnage aérien qu'on aime tant.
Bon, Vargas se répète un peu, parfois. Il se peut qu'il y ait un peu de remplissage. C'est assez souvent cousu de fil blanc, surtout dans les liens familiaux (qui est le thème majeur du roman). Mais je lui pardonne, vu le plaisir éprouvé à la lecture.
Et puis, j'ai oublié de le dire : on y apprend qu'un thékophage, c'est quelqu'un qui mange des armoires (enfin, au moins une armoire). Rien que ça, ça n'a pas de prix.

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le 22 mars 2015

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SanFelice

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