Janvier 1917.
Ils étaient cinq, cinq soldats condamnés par la cour martiale à être lâchés, les mains attachés dans le dos, dans le « pays de personne », le no-man's-land entre les tranchées françaises et allemandes. Condamnés à survivre, si ils le peuvent, à se faire descendre par les boches, comme c'est le plus probable. Parmi les cinq, il y en avait un de même pas vingt ans, un bleuet du nom de Jean Etchevéry, que tout le monde au pays appelle Manech.
Le pays, c'est le Cap-Breton, dans les Landes, où vit Mathilde, qui aime Manech. Quand elle reçoit quelques mois plus tard une lettre qui lui annonce que Manech est mort, tué par l'ennemi, elle n'y croit pas, car si Manech était mort, elle le saurait. Alors elle mène l'enquête pour savoir ce qu'il s'est vraiment passé cette nuit-là, de Janvier 1917...
Si il y a bien un genre que je n'aime pas vraiment lire, ce sont les histoires d'amour. Pourtant, Un long dimanche de fiançailles est une histoire d'amour, et j'ai pris beaucoup de plaisir à la lire. Pourquoi ?
Je vois trois raisons :
Tout d'abord, si il s'agit bien d'une histoire d'amour, la romance n'est pas au centre du roman. L'intrigue se concentre surtout sur l'enquête que mène Mathilde pour reconstituer le puzzle du destin des cinq condamnés à mort. Elle mène un véritable travail de détective, recherche les témoins, recoupe leurs déclarations... On progresse pas à pas, de révélations en fausses pistes, comme dans un roman policier, un genre que j'affectionne.
Ensuite, il y a la période historique. La Grande Guerre – comme s'il y en avait des petites – de 1914 est une période que je connais mal, mais qui m'intéresse. J'oserais même dire qui me fascine, bien que ce soit morbide : l'image de deux armées embourbées dans des tranchées, à quelques centaines de mètres seulement, parfois moins, l'une de l'autre. L'essentiel du roman se déroule après la guerre, mais les quelques scènes de bataille racontées sonnent vraies, tout comme la France de l'entre-deux guerres dans laquelle évolue les personnages.
Enfin, il y a la forme. Sébastien Japrisot a une belle plume, riche et poétique, et surtout très humaine. Une bonne partie du récit se compose de lettres, et chaque personnage possède son phrasé, ses expressions, son vocabulaire. C'est vivant. Dans les parties écrites à la troisième personne, les phrases sont longues, pleines de virgules, avec des répétitions qui donnent un rythme, une musique à la phrase. Ça donne l'impression d'être dans la tête de Mathilde, de suivre ses idées, même si ce n'est pas elle qui raconte, puisque c'est écrit à la troisième personne, mais c'est tout comme.
Et puis la quatrième raison de pourquoi j'ai aimé ce roman – oui, je sais, j'ai dis trois et j'en donne quatre, mais c'est ma critique, je fais ce que je veux – c'est Mathilde. Mathilde aime Manech et Moi j'aime Mathilde. Une jeune fille qu'on voit devenir femme, une femme forte et obstinée, une femme attachante, drôle, sensible. Un beau personnage, émouvant, qu'on a envie de suivre dans son voyage. Les autres personnages ne sont pas en reste, il y en a une belle galerie, mais il faut bien reconnaitre qu'ils restent tous dans l'ombre de Mathilde.
Voilà donc pourquoi, même si je n'aime pas les histoires d'amour, j'ai aimé Un long dimanche de fiançailles.