La culture européenne en régression

Aurait été sans doute un titre plus approprié. Ce bref ouvrage de Kundera (une quarantaine de pages pour 12 grandes idées), préfacé par Pierre Nora et précédé d'une adresse aux écrivains (une vingtaine de pages), se révèle percutant sur la forme et le fond.

L'adresse est une ode à la littérature et à sa capacité par son provincialisme ou sa capacité à viser des enjeux dépassant l'horizon de son propre pays et de participer à l'universel. A noter une belle définition du vandalisme, caractérisé comme une attitude régressive visant à détruire ce que son propre horizon ne peut permettre de comprendre et à jouir d'un sentiment d'accomplissement de s'y être adonné et de se réaliser de la sorte.

L'essai en lui même repose avant tout, selon moi, sur deux idées forces : l'Europe Centrale serait politiquement (on est avant la chute du Mur) politiquement à l'est, mais culturelle ment à l'ouest. Et l'ouvrage démontre admirablement que, Bulgarie exceptée, langue, religion, attaches culturelles démontrent que derrière une zone supposée "slave" fort floue et lâche que defend la Russie il y a une multitude de cultures et Nations que tout rattache dans l'Histoire et les mentalités à l'Occident.

Mais, et la nuance est de taille, l'Occident est en train lui même de perdre sa culture au profit des Mass media: la disparition d'une revue littéraire, cœur de la Tchécoslovaquie, est en Occident un phénomène qui laisse indifférent. L'art contemporain n'intéresse plus non plus. Or, ce sont bien ces canaux-art, littérature, théâtre, cinéma- et non les médias et la presse qui ont maintenu la vitalité des nations d'Europe Centrale, qui cherchent une proximité culturelle avec un Occident avec lequel elle partageaient bien plus qu'avec la Russie. Proximité qui pourrait disparaître, non du fait de la répression de la culture occidentale en Europe Centrale mais de son érosion à l'Ouest.

Si on peut contester cette idée de déclin culturel généralisé de l'ouest, globalement plus constaté qu'expliqué cet ouvrage reste une déclaration d'amour à la richesse culturelle de l'Europe qui mérite d'être lue.