Le deuxième roman de Anuk Arudpragasam n'est pas écrit à la première personne mais en porte toutes les caractéristiques, en un monologue ininterrompu et méditatif. Un passage vers le Nord n'est manifestement pas un livre pour ceux qui aiment le suspense, l'action et l'enchaînement des situations. Constitué de longues phrases, dans un style très travaillé (félicitations à la traductrice, Dominique Vitalyos), le livre explore les pensées et les sensations de son héros, Krishan, alors que la guerre civile au Sri Lanka s'est achevée depuis peu de temps, en laissant des séquelles irréparables au sein de la communauté tamoule "perdante" et décimée, à laquelle appartient Krishan, bien qu'il n'ait pas participé directement au conflit. C'est néanmoins un jeune homme hanté par les horreurs de la guerre que décrit l'auteur, et dont il ne pourra que difficilement se libérer. Comme l'étreinte d'un boa constrictor, la prose d'Arudpragasam ne donne que peu de place pour respirer, fourmillant de détails psychologiques, dans une contemplation active, si l'on ose dire, cherchant sans arrêt à approfondir la réflexion de son personnage principal, y compris dans l'évocation d'une histoire sentimentale de son proche passé et surtout de la mort accidentelle (ou non) d'une femme traumatisée par la perte de ses deux fils et qui s'est occupée de sa grand-mère. Un décès qui l'amène de nouveau à voyager vers le nord du pays, pour des funérailles aux allures de cérémonie de deuil d'une population entière. On ne peut nier la qualité du texte et les informations précieuses qu'il apporte sur cette guerre atroce mais c'est un roman exigeant par son côté obsessionnel, qui ne s'autorise aucune once de légèreté.

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le 7 févr. 2023

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