Cent mille, et finalement plus grand monde...
Qui suis-je pour toi ? Quelqu'un d'autre certainement car tu me vois d'une manière subtilement différente que ce que je crois être pour les autres, que ce que je crois être pour moi. Et ce moi qui existe pour toi, finalement, n'a plus vraiment besoin du moi que je crois être moi-même, il a une vie propre, qu'il soit un brave imbécile ou un cynique de la pire espèce. C'est un étranger que je ne peux pas connaître. Mais que reste-t-il de moi ? Plus grand chose, j'en ai peur.
Quand sa femme fait remarquer à Moscarda que son nez est un peu de travers, il réalise que sa femme est mariée à un autre homme, qui porte un autre nom (Gengé) et qui, par un accident presque fortuit, cohabite avec lui dans un même corps. Ils le partagent aussi avec un usurier, vaguement méprisé dans cette petite ville sicilienne, avec un fils à papa médiocre, et aussi avec un gendre plutôt morne mais bon parti... Bref, il ne reste plus beaucoup de place pour le petit bourgeois un peu rêveur que pensait être seulement Moscarda.
Alors celui-ci va tenter de reprendre possession de son image, de faire exploser les autres Moscarda, ceux qui mènent leur vie dans l'esprit des autres. Une entreprise insensée, qui ouvre la porte à la ruine, à la folie, mais qui lui attirera les faveurs d'autres sortes de témoins : la désœuvrée languide et surtout les vautours à soutane, qui sauront transformer ce qu'ils voient comme un simple cas de conscience en vœu de pauvreté.
Trois personnes dans une pièce, ce sont donc A vu par B et par C, A tel qu'il se croit être, B vu par A et par C, B tel qu'il se croit être, C vu par A et par B, mais comme C est Moscarda, et qu'il se sait n'être plus grand chose, il y a là "huit personnes qui croyaient être trois".