Un peu de nuit en plein jour. C’est le récit des rencontres, des oppositions, du choc entre les corps. Le choc, avant tout, dans les caves, ces lieux sous-terrains où se castagne une partie de la population. Les paumés, les éclopés, les démunis. Ils viennent tacler l’adversaire, faire saigner, se sentir vivants. On y vit en clans. On sait que la durée de vie sera moindre, alors on abuse, on use, on crame le fil de la vie pour s’assurer d’en avoir profité jusqu’à la dernière cendre. Féral est de ceux-là. L’un des plus anciens. Féral, c’est avant tout un corps, une énergie fulgurante. Et surtout la mémoire d’un autrefois dont il peine à se rappeler, mémoire prodiguée par son père. L’autrefois. Quand le ciel pouvait se targuer d’un bleu étonnant, quand l’air n’était pas encrassé, quand le sommet des montagnes pouvait se deviner. Autrefois.
Féral, c’est l’existence solitaire jusqu’à la rencontre avec Livie. Enfant des coups également. Venue expier lors de la « cogne ». Rencontre des corps, puis des esprits. Mélange incertain entre jeunesse et éclat de la vieillesse.
Le récit alterne entre deux figures. Féral et Clarisse. Deux oppositions. L’un encrassé dans la misère d’un monde à bout de souffle. L’autre au sommet, à tutoyer l’immortalité. Misère et grandeur. Le sommet qui se targue d’aucune maladie, ni défaut. Mais la mort n’est plus une crainte, n’est plus la dernière dalle de la vie. Ils ont tout mais égarent le principal ; la volonté de vivre.
Un conte.
Ou peut-être une fable à propos de notre société actuelle ?
Erik L’Homme signe un roman court, mais dense par le récit, et par les mots qui empoignent le lecteur, n’offrent répit que lorsque se tourne la dernière page. Un roman où l’imagination du lecteur est conviée pour tisser ce monde crasseux et noueux. Certains regretteront le manque de descriptions, le manque de « contexte » mais je suis ravie de ce choix, de cette liberté octroyée au lecteur. C’est un enfer à personnaliser. Tout un monde à mettre en chair et os. Une arène où se joue le conte de Féral et Livie.