Où il est question de gens qui penchent. C'est-à-dire qui ont certains travers, mais dans le jargon de Fred Vargas, toujours pointue pour trouver l'expression décalée qui sera parlante et poétique. Ici, c'est un meurtrier qui se targue un peu prématurément d'avoir commis le crime insoupçonnable parfait, qu'aucun minable ne saura lui faire avouer. Pas même un profileur, parce qu'il sait se surveiller et entretenir de la mollesse là où son triomphe intérieur devrait affleurer en surface. Mais c'est compter sans un particulier agacé par la cruauté au-delà de toute limite, un peu à la Jean-Baptiste Adamsberg, un type que la perversion et l'intransigeance à proportions égales rend dingue. Et teigneux. Parce qu'il s'accroche, le Louis Kehlweiler. Toute son histoire personnelle l'y pousse. Alors quand il s'adjoint l'aide de Marc-l'historien-obsessionnel-du-Moyen-Age déjà croisé dans Debout les morts, ça devient juste jubilatoire. D'autant que ce dernier n'aime pas les crapauds et que kehlweiler ne va nulle part sans Bufo, son crapaud domestique, un peu con mais d'une grande aide dans les enquêtes épineuses. Vous l'aurez compris, on s'en fout du crime, finalement; ce qu'on adore, c'est cette galerie de portraits si finement ciselée qu'on pourrait la sortir directement en timbres, si la Poste n'avait pas mis les graveurs au chômage et commencé à éditer ses auto-collants tout pourris.