On est toujours un peu plus exigeants avec les gens qu'on admire et qu'on aime. Je dois donc dire que je suis un peu déçue par cette enquête, ficelée avec moins de rigueur qu'à l'accoutumée.
Passons sur la déception et ouvrons grand les bras aux personnages, toujours aussi captivants et à leurs obsessions, toujours aussi succulentes. Leurs manies, leurs failles et leurs échecs sont aussi incongrus que réalistes et attachants. Ce sont des supers héros un peu boiteux, qui font du détail un trésor à ne jamais négliger et du cafouillis un objet de "haute valeur". Et ça, ce n'est pas donné à tout le monde.
Je laisse maintenant la parole au fils du Rhin et à ses théories fumeuses extra-lucides :
"Main gauche, annonçait Louis en levant les bras et en étendant les doigts, imparfaite, malhabile, hésitante, et donc productrice salutaire du cafouillis et du doute. Main droite, assurée, ferme, détentrice du savoir-faire, conductrice du génie humain. Avec elle, la maîtrise, la méthode et la logique. Attention, Vincent, c'est maintenant qu'il faut bien me suivre : que tu penches un peu trop vers ta main droite, deux pas de plus, et voilà poindre la rigueur et la certitude, tu les vois ? Avance un peu plus loin encore, trois pas de plus, et c'est la bascule tragique dans la perfection, dans l'impeccable, et puis dans l'infaillible et l'impitoyable. Tu n'es plus alors qu'une moitié d'homme qui marche penché à l'extrême sur ta droite, inconscient de la haute valeur du cafouillis, cruel imbécile fermé aux vertues du doute; ça peut venir plus sournoisement que tu ne te le figures, te crois pas à l'abri, faut se surveiller, t'as deux mains, c'est pas fait pour les chiens."
Voilà qui est dit.