Pour commencer, mettons de côté la qualité littéraire. Le livre est très mal écrit, dans une langue sans souffle et chaque chapitre ou presque s'ouvre et se ferme avec ce procédé ridicule.



Une première proposition.
Suivie d'une autre.
Puis le début d'une phrase avec une date et un lieu.



La vilenie du procédé et son caractère prétentieux jurent particulièrement avec l'intention "jupitérienne" (ah la novlangue franc-maçonne. Mais on s'égare) de ce livre-fleuve qui se vend comme une summa presidentiae.


Sapristille


Et bien ces 650 pages sont terrifiantes. Coupées au petit lait journalistique du Monde, elles furent bien plus faciles à lire et à assimiler que ce qui me passe habituellement sous les bésicles, aussi dois-je reconnaître qu'il a été bien plus facile de livrer la substance de ce livre en une critique.


Hollande y est soumis à un exercice grotesque : l'introspection en temps réel, c'est à dire le commentaire de sa propre action en tant que spectateur. Il aime trop jouer ce rôle pour refuser la proposition de ces deux journalistes de le suivre pendant 5 ans et pourtant, il confesse à la toute fin la difficulté qu'il a éprouvé à pratiquer cet exercice de commentaire et d'analyse sans recul.
Le livre entier est vertigineux de cécité, de complaisance, envers Macron, envers Taubira, envers la petite kosovarde sans-papiers, envers les ZADistes et les gamins de Nuit Debout. Hollande ne sert jamais autre chose qu'un brouet d'optimisme et de complaisance sur sa propre action politique. Comme le soulignent lourdement les auteurs, immense est le décalage entre ce qu'il pense faire et ce que l'opinion a retenu.


L'absence de pertinence


Parlons-en, d'ailleurs, de ces scribouillards. Alors que le matériau, quoique par moment insipide, offre une matière fantastique à ce livre d'enquête politique (qui est en réalité une introspection intime, une sorte de go-pro littéraire embarquée sur le bide d'Hollande comme sur un vulgaire arbitre de rugby), ceux-ci opèrent une médiation malveillante, voire écœurante entre le personnage et les lecteurs. Insistant lourdement sur les traits de caractères déjà "connus" de M. Hollande, ils reprennent à leur compte tous les épithètes qu'on lui a accolé, quitte à en inventer de nouveaux. Tout y passe, la mollesse, l'irrésolution, la pusillanimité, l'inaction. Ils se sentent autorisé à répondre à l'anaphore du débat contre Sarkozy, et rajoute une couche absolument indigeste d'explication psychologique boiteuse et même bâton-merdeuse sur l'absence de remise en question du président en exercice. Ils font par exemple des tonnes d'une petite phrase d'Hollande :



Il se trouve que je suis président.



Ce qui donne des pages et des pages sur le président "passif", "spectateur de son propre mandat".
Alors qu'ils lui reproche d'écarter en permanence sa responsabilité et sa faute de ses déboires dans l'actualité politique, eux-mêmes ne remettent à aucun moment en question leur méthode douteuse et la pertinence de leur angle d'attaque.
Mêlant des questions d'actualité et géopolitiques à des gauloiseries sur les sorties en scooter (qu'ils justifient avec une absence de vergogne hallucinante), ils s'étonnent que le président se ferme, ou n'accepte pas de se livrer entièrement. Un des meilleurs exemples est l'affaire Jouyet/Fillon. La paire du Monde se gausse d'Hollande qui met tant de temps à débarquer Cahuzac et Morelle suite aux accusations portées contre eux mais ne voient aucun problème à utiliser les informations recueillies pour leur livre et l'accès qu'ils avaient au président pour aller à la pêche à la conversation entre Jouyet et Fillon, malgré l'accord qu'ils avaient passé. Et sont la vertu offensée quand la droite les accusera d'être à la solde du pouvoir.


Quand des individualistes postmodernes interrogent un individualiste postmoderne, l'entropie générée par la remise en question n'augmente pas vraiment.


Que reste-t-il ?


On se trouve bien indisposé à la fin de ces 650 pages face à tant d'impudeur, face à ce numéro d'égotisme subi. Deux passages me resteront en tête.
- D'une part, les attentats de 2015. On comprend entre les lignes qu'ils marqueront un "game over" pour Hollande. Il ne le dit pas encore, sa non-représentation prend ses racines dans cet épisode. Lui qui voulait se marrer à la tête de l'Etat, le voilà à visiter des familles endeuillées et à mater des corps en charpie. Pas drôle.
- D'autre part, le cas Macron. Je reste stupéfait par cette cécité qu'ont les socialistes, en particulier Hollande face à certaines personnalités de la gauche. Taubira, qui coûta l'élection de Jospin et qui fit n'importe quoi au ministère de la justice, mais qu'Hollande n'a jamais voulu lâcher jusqu'à ce qu'elle pose sa démission, en "femme libre" qu'elle est. Royal aussi, mais ça c'est pas très grave, et surtout Macron.
Le chapitre sur Macron file vraiment la chair de poule. Du début à la fin Hollande aura été permissif, complaisant, voire complètement gâteux avec le jeune banquier. Jouyet est allé le chercher, il s'est retrouvé au gouvernement après je-ne-sais-plus quel remaniement. Et c'est Macron qui, 6 mois après la sortie du livre, aura dézingué le PS en le reléguant à 6% au 1er tour. Les socialistes ont ce Kairos tragique de s'attacher à ceux qui les empêchent d'accéder au pouvoir. Si les journalistes avaient des prétentions intellectuelles plus élevées que de l'astrologie politique, Il eut été plus satisfaisant d'élaborer là-dessus plutôt que sur l'image d'un président enfourchant son scooter.
Mais revenons à nos Macrons, le petit lutin de Rotschild aura eu toutes les audaces, pris toutes les libertés, glissé sur toutes les peaux de bananes mais ne souffrira d'aucunes remontrances du château. Plutôt d'une bienveillance muette qui le verra prendre de plus en plus confiance, jusqu'à couper les ponts et lancer son mouvement présidentiel. Alors qu'Hollande avait tout pouvoir et toute liberté pour le mettre à la cave, il n'en a rien fait, pour la situation que nous connaissons à l'heure où j'écris.


Je crois que cet épisode suffit pour se faire une idée du genre d'homme qu'est François Hollande. Je n'étais pas revenu de son élection en 2012, et le moins qu'on puisse dire, c'est que je n'ai pas été déçu par son mandat étant donné ce que j'en attendais. Mais c'est quand même dommage d'avoir laissé sa clique aux affaires pour 5 ans.


A la médiocrité de son sens politique répond la médiocrité du style de ces gratte-papiers. Même s'ils s'en défendent, tout le livre démontre qu'ils sont du même bois. Il en ressort un attelage bancal qui ne vaut que par la monstruosité de l'entrepris et la difformité du document qui en résulte, et qui fait, je le crois, déjà partie de l'histoire.


PS: Comme toujours, c'est finalement Much Politik qui avait vu mieux que tout le monde :
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Fabrizio_Salina
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le 18 juin 2017

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Fabrizio_Salina

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