Tout d'abord, je pense qu'il est utile de préciser ici que je ne suis pas un grand lecteur de biographies ou d'autobiographies. J'ai lu celle de Springsteen, bien sûr, et une de Marilyn Monroe. Par conséquent, je vais avoir du mal à réellement évaluer la qualité de celle de Neil en comparaison de la production habituelle du genre.
Ensuite, si j'adore la carrière et l'oeuvre du Loner, je ne connaissais pas grand chose de sa vie et son déroulement (je n'aurai donc pas la même impression q'une personne qui connait déjà les grandes lignes de son existence). Voilà, alors qu'en est-il exactement?
Et bien première bonne surprise, Neil Young l'a écrit tout seul comme un grand, pas besoin de "nègre", et rien que ça c'est pas négligeable. Pour ceux qui veulent une analyse détaillée de la carrière de Young avec les anecdotes et les petits secrets de fabrication de ses chefs d'oeuvre, un truc hyper pointu quoi, je ne peux que vous conseiller de passer votre chemin. En effet, ce livre est plus un recueil de pensées au jour le jour, une sorte de journal intime où mister Young fait des allers et retours entre présent et passé tout en abordant l'avenir. Il dit ce qui lui passe par la tête sous forme de petits chapitres plus ou moins thématiques.
Ainsi il sera question de Springsteen, de Dylan, de trains électriques, de Charle Manson, d'incendie, de son concept Pure Tone et de son amour du son, de caca de chat, de ressources énergétiques, de filles hippies superbes, d' herbe (pas celle qu'on tond), de ses fils, de sa femme Pegi, de la mort de ses amis, de son concept de voiture électrique, de chtouille, de Ronald Reagan.......bref de tout et de rien. Et qu'en ressort-il?
Si ce livre ne révolutionnera pas le monde de la littérature, il en ressort un Neil Young attachant, ayant beaucoup de recul sur lui même et sa carrière, lucide sur ses erreurs, ne cherchant pas à se cacher sans tomber non plus dans le voyeurisme, humble et surtout sincère.
Et très touchant et courageux quand il parle avec grande pudeur de ses deux fils (de femmes différentes) tous deux atteint de graves problèmes médicaux (autisme et tétraplegie).
Après une lecture agréable, on ferme le livre avec l'impression d'avoir toujours connu Neil, un peu comme si c'était un vieux pote, ce qui est loin d'être désagréable. Un peu de nostalgie aussi, en constatant que Neil Young fait partie désormais d'une époque bien révolue où tout semblait plus simple et surtout d'une espèce en voie de disparition, celle des très grands.
Et maintenant, comme dans toute émission littéraire, on va passer au moment des extraits, histoire d'une petite mise en bouche.
-Sur son obsession du son:
"Aujourd'hui, le rapport des gens à la musique à changé de fond en comble. La musique ne fait plus partie de notre culture comme avant. Pour moi, c'est en grande partie à cause de la qualité du son, d'où l'idée de PureTone. La musique n'est pas le problème. Le problème, c'est le son.
Il y a des années, on gravait des "acétates" pour écouter le résultat des prises en studio (...). C'était une époque formidable. Ces temps là ne reviendront pas, mais on peut quand même retrouver une qualité de son qui vous prend au tripes.
De nos jours, la musique est devenue un loisir, un jeu, privés de cette qualité sonore intégrale. C'est un passe temps cool, un jouet, le message destiné à l'âme n'existe plus."
-Sur les concerts:
"On se sent bien seul quand on est sur scène. Je fais ça parce que je ne sais pas faire autre chose, et je je le ferai jusqu'au bout, j'en suis sûr. J'aime quand le son est bon,le public chaud et la musique chargée de sens. Si l'un de ces éléments vient à manquer, tu es baisé;"
-A propos de Ben Young, chez le medecin
"Après nous avoir jeté un coup d'oeil, il a concédé d'un ton désinvolte: "Ben est atteint d'une infirmité motrice cérébrale". Je suis resté sous le choc des semaines durant. J'avançais dans le brouillard. Je n'arrivais pas à comprendre comment j'avais engendré deux enfants atteints d'une affection rare, théoriquement non hériditaire, avec deux mères différentes. Ma colère et ma confusion étaient telles que je me faisais des films, j'imaginais des gens lâchant quelque commentaire cruel à propos de Ben ou de Zeke et moi me jetant sur eux, devenant fou de rage. Heureusement, ça n'est jamais arrivé, mais pendant un temps j'ai eu une tendance à l'instabilité. Même si elle s'est atténuée avec le temps, j'ai gardé cette sensation des années durant.
-A propos de Springsteen et de leur statut:
"On est toujours potes avec Bruce. On ne se parle pas souvent mais ce n'est pas nécessaire.C'est un grand bonhomme dans une catégorie à part. Mais lui c'est lui, et moi c'est moi. Nos chemins sont parallèles, on écrit et on chante chacun notre propre style de chansons, comme Bob et quelques autres. On forme une sorte de fraternité silencieuse, on s'installe dans le coeur des gens grâce à notre musique. L'année dernière, j'ai perdu mon bras droit, Ben Keith, qui jouait de la pedal steel. Cette année, c'est Bruce qui a perdu son bras droit, le saxophoniste Clarence Clemons. Il faut qu'on se parle, les amis s'aident en étant simplement là. A présent, quand lui ou moi on va regarder du côté droit, il y aura un trou béant, un souvenir, le passé et le futur. Je ne vais pas engager un autre joueur de pedal steel pour remplacer Ben, et je sais que Bruce ne jouera pas avec un autre saxophoniste. Ca n'arrivera pas. Il y a des tas de morceaux qu'on ne pourra plus jouer du coup.3