L’œuvre est à l’image de l’homme, pleine d’humanité. Je m’attendais à une histoire proche du « Life » de Keith Richards, trompé par cette fausse conviction que Neil Young se sacrifierait lui aussi à la mode éternelle de l’autobiographie rock’n roll, envahie de secrets d’obédience « sex drugs & rock’n roll », comme si les déclarations souvent très personnelles de la vie d'une star du rock ne pouvait passer que par un déluge de potins, un foisonnement d’histoires croustillantes, outrancières et facilement vendables auprès de l’amateur de rock que je suis avides d’anecdotes faites de cuir et de poudre.

Honte à moi. Si j’avais été moins con et avais un peu mieux réfléchi à ce qui fait l’homme dont j’ai lu l’histoire, j’aurai pu deviner de quoi ce livre était fait. Les ingrédients qui font une autobiographie ne sont pas toujours les mêmes, fort heureusement. Keith Richards nous a pondu une histoire très linéaire avec son « Life », et Dylan avec son premier volume de Chronicles dont j’attends logiquement la suite surprenait avec une prose du meilleur cru, étonnait avec un style sans prétention, mettant enfin sa figure messianique de côté, en n’abordant que quelques évènements de sa vie triés sur le volet.

Ici, Neil évoque sa musique, mais pas sous l’angle (trop) technique des sessions de studio relatées dans les autobiographies citées plus haut. Non, avant tout, il nous transmet son amour de la musique, parle de son perfectionnisme en s'adressant directement au lecteur, relate les différentes manières qu'il a de composer, explique comment les accords de guitare de « Cinnamon Girl » et ceux de « Down By The River » lui sont venus à l'esprit alors qu'il avait la grippe et délirait dans son lit, ou comment le deuil de la mère de Carrie Snodgress, sa première femme, a-t-il pu contribuer à alimenter la « substance » mélancolique de son œuvre pour aboutir à ce disque sombre et poignant qu'est « On The Beach », chef d'oeuvre évident et accessoirement l'un des disques symptomatique de la fin du règne hippie.

J'ai lu là que l'homme dont il est question ici est torturé, plein de doutes compensés par tout autant de certitudes sur l'amour de la vie et sur ce qui fait la vie, un gars à la santé fragile, borderline, sensible, épileptique, débordant d'humour. Un homme qui fait passer sa colère, sa rage à travers des pièces maîtresses électriques d'une furie fiévreuse qui n'a d'égal que les morceaux d'Hendrix (l'intégralité des morceaux de « Ragged Glory »), pour ensuite passer sa langueur à travers des airs qui transpercent littéralement le cœur (Écoutez donc « You And Me » sur Harvest Moon, ou « Motion pictures » sur On The Beach, pour ne citer qu'eux...).

Un homme qui écrit bien, ce dont je ne doutais pas, bonhomme profondément tourmenté, parfois maladroit, amoureux des voitures, de la musique, un perfectionniste qui souhaite améliorer la qualité du son « d'aujourd'hui » (son concept PureTone... ), un personnage, assurément, un matérialiste dans le bon sens du terme, disons plutôt un collectionneur qui nomme ses objets : « Old Black » pour sa Gibson Les Paul noire, Nanu pour l'une des ses nombreuses voitures. Il relate son amitié avec l'extravagant producteur David Briggs, et ses déconvenues avec le célèbre David Geffen. De ses ennemis, il en parle avec une déférence, une empathie qui ne surprennent pas mais qui contribuent à renforcer le profond respect que l'on a déjà pour lui. Un sensible qui a offert au monde entier ses émotions, sa vie, par le filtre (ou le jack plutôt) d'une musique d'une rare beauté. Un homme simple, solitaire (Sans déconner : The Loner...), appréciant marcher, se contentant de la compagnie d'un chien, de l'odeur boisée des poutres de son ranch, d'une vie au beau milieu de la forêt, un vieil homme avec un cœur gros comme ça, a "heart of gold"...

C'est tout cela qu'il raconte ici, avec une humilité déconcertante. Lisez-le.
ErrolGardner
9
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le 5 avr. 2014

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Errol 'Gardner

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