Réel pivot entre une analyse introspective de la place de la femme dans le domaine littéraire et un rapport calibré sur la condition féminine occidentale, cet essai présente une cartographie étiologique à la fois pragmatique et audacieuse des différentes sources du mutisme des femmes. Virginia Woolf promène alors le·a lecteur·rice dans une ballade activiste revigorante suivant plusieurs angles d’attaque, qui oscille entre une douce ironie et une prodigieuse acuité relative à cette origine aphasique. C’est au moyen d’une plume éveillée, parfois académique, mais teintée de malice que l’auteure dresse un rapport économique, social et psychologique perspicace sur la servitude des femmes depuis plusieurs siècle et qui demeure, de manière consternante, hautement actuelle. Si les contraintes sont raisonnablement singulières à chaque époque et culture -le joug financier masculin, l’exigence de la probité britannique ou bien la privation d’un espace privé-, l’affligeante coercition reste brûlante et révoltante. Malgré un premier chapitre énigmatique et peu accessible pouvant alors être un frein à la poursuite de la lecture, le livre est l’occasion de faire hommage aux femmes de la littérature que l’auteure cite à de multiples reprises, mais également de faire un traité apologétique de la figure androgyne si chère à Virginia Woolf -et de ce fait celle-ci garde un propos mesuré sur la responsabilité des hommes- qui en fera le corps principal dans son ouvrage Orlando. In fine, cette dernière, à la sagacité et l’humour étonnant-e-s, propose un hymne à l’écriture constituant un véritable outil pour combattre la soumission, sinon masculine, sociétaire.