Un roman, dont le titre original est A room at the top, qui fait superbement écho à la chanson de Lennon Working class hero : there's a room at the top they are telling you still. A moins que ce ne soit l'inverse, puisque le bouquin a été écrit près de 15 ans avant la chanson. Quoiqu'il en soit les thématiques en sont identiques, puisque évoquant la souffrance que ressentent les transfuges de classe lorsqu'ils sont parvenus aux sommets de la société. Souffrance presque viscérale à l'idée d'avoir en quelque sorte trahi sa classe sociale, en utilisant la haine ressentie envers les dominants comme moteur pour y arriver. Même si le cas de Lennon, qui n'a pas utilisé de moyens conventionnels pour y arriver, se compromettant moins (quoique), est à distinguer de celui de Joe Lampton, le personnage principal du roman de John Braine, qui a lui tout d'un arriviste cherchant à réussir sans véritablement casser les codes.
On ne peut malgré tout que ressentir de la sympathie pour lui, et c'est sans doute l'une des marques du talent de l'auteur. Sympathie mêlée de pitié devant l'innocence et la naïveté du personnage, dont la détermination n'a d'égale que sa méconnaissance des usages du monde qu'il désire plus que tout rejoindre. Détermination qui ne s'ébranlera pas, mais se fissurera peu à peu au fur et à mesure qu'il prendra conscience des dégâts humains qu'il cause, conscience qu'il tentera de noyer dans l'alcool lors d'un final mémorable, mais dont on sent - puisqu'il est narrateur et raconte rétrospectivement son histoire - que cela le tourmentera jusqu'à la fin de ses jours.
Le bouquin est, tout comme la chanson de Lennon d'ailleurs, d'une lucidité sociale impitoyable et même si l'intrigue se déroule en Angleterre à la fin des années 50, tout cela demeure d'une invraisemblable actualité et universalité, comme si rien n'avait finalement changé depuis. Braine est un écrivain issu des couches populaire, né à Bradford, près de Leeds et Une chambre au soleil est son premier roman, publié en 1957, alors qu'il a trente cinq ans. Il est souvent rattaché au courant littéraire des Angry young men, dont Allan Sillitoe (la solitude du coureur de fond) est un autre représentant éminent, et dont les héros sont souvent des hommes jeunes de condition modeste, qui portent un regard critique sur la société, mais dont la quête d'émancipation est avant tout individuelle, et, partant, rarement politisée. Disons qu'ils posent un diagnostic lucide, mais n'envisagent jamais la solution collective. Ce qui les conduit souvent à l'autodestruction (psychologique pour Joe Lampton), au point que l'on pourrait considérer que le mouvement punk aurait trouvé certaines racines auprès de ces jeunes gens en colère.
Quoiqu'il en soit, ce bouquin est fort bien écrit, et l'histoire, centrée autour de Joe Lampton et de deux femmes de la haute société est souvent poignante et n'est jamais ennuyeuse, car soutenue par une écriture vive et d'une grande précision.