Depuis plusieurs semaines, quelque chose d’étrange se passe dans la vie de Kurt O’Reilly : absolument tout ce qu’il entreprend réussit, et les coups de chance se multiplient. Il semble même que plus aucun événement sérieusement négatif ne puisse se dresser sur son passage : qu’on lui diagnostique une anomalie maligne à 96% des cas, et il se trouvera automatiquement parmi les 4% de chanceux ; qu’il se retrouve par hasard mêlé à une prise d’otages, et il s’en sortira sans une égratignure et avec un dédommagement de plusieurs milliers de livres. Pour ce spécialiste des statistiques plutôt habitué aux séries noires, il ne fait pas de doute que quelque chose cloche. Le karma, le destin, ou un soubresaut cosmique : difficile de savoir ce qui est en cause, mais pour retrouver sa tranquillité d’esprit, Kurt doit comprendre d’où lui vient cette chance insolente.

Ce pitch étonnant autorise bien sûr à Fabio Bacà toutes les extravagances : au fil de quelques journées, Kurt va rencontrer toutes sortes de situations improbables dont il sortira toujours, y compris malgré lui, en y ayant gagné quelque chose. Ce principe narratif donne un récit fantasque qui avance à fond de train tout en nous interrogeant sur l’intérêt d’une vie sans risque et sur notre besoin, via les statistiques ou toute autre forme de tentative de prévision du cours des choses, de contrôler ce qui se produit dans nos vies.

Un premier roman bien tenu même si je n’ai personnellement pas été très convaincu par l’humour un peu gras que déploie l’auteur dans un certain nombre de situations (est-il nécessaire que Kurt soit aussi beauf dans son rapport avec les femmes ?), ni par les personnalités loufoques de la plupart des personnages secondaires : par moments, j’ai pensé aux personnages de doux dingues de la Conjuration des imbéciles de J.K. Toole ou de la Fonction du balai de D. Foster Wallace, mais Bacà n’a pas (encore) le sens du foutraque de ces deux grands, qui dosent subtilement le subtil et le trash, et le résultat chez lui est souvent un peu lourdingue. 

Note pour celles et ceux qui chercheraient des lectures faciles d’accès en italien : ça se lit très facilement en VO avec un niveau moyen, la syntaxe est simple et il n’y a pas de grosses difficultés de vocabulaire. 

Cyril-spoile
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le 5 nov. 2022

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Cyril T

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