L'histoire sulfureuse et alternative du XIXe siècle

Alternative, et je dirais plus précisément : intime, précise, thématique - une histoire vue de l'intérieur, une entrée dans les querelles intestines des écrivains, les plus connus mais aussi les oubliés, les acclamés comme les plus raillés. L'histoire est une histoire, au sens où elle se lit comme un roman, et au sens où elle est assez pointue et documentée, c'est donc un véritable plaisir de se retrouver au beau milieu des haines des écrivains - et surtout des haines des écrivains entre eux. A cause des femmes, de l'orgueil, de l'Académie, de la rivalité...

Toutefois, si tout cela est très amusant, très distrayant, et permet (aussi étrange que cela puisse paraître) d'enrichir sa culture littéraire de manière ludique, j'y mets un léger bémol. Tout d'abord, le fait que ce soit thématique ôte parfois la clarté chronologique qu'on eût pu attendre et le tout devient un peu confus - une histoire, une histoire... Oui, d'accord, mais justement l'histoire avec les dates, les événements, est un peu en retrait. L'éclairage est donc, je trouve, insuffisant. J'ajoute que si certains noms reviennent constamment (entre Sainte-Beuve et Goncourt, on est servis), d'autres sont presque absents - par exemple Proust, alors que son nom figure tout de même sur la couverture... Ce qui est dommage, je suis sûre qu'il y aurait beaucoup de choses à dire sur les haines de Proust.
Enfin, une précaution à prendre : il ne s'agit pas ici d'expliquer l'oeuvre de l'écrivain par sa biographie, par ses haines - mais de distraire avant tout. Il est intéressant de voir que quelques débats de théorie littéraire sont évoqués (et très simplifiés quand on les met en parallèle avec les menus détails des entourloupes de nos vénérés auteurs...), mais ils ne sont pas au coeur du problème. C'est de l'humour, de la vulgarisation (mais pas seulement, le propos étant trop précis pour s'adresser au tout-venant en premier) et surtout, une folle histoire d'aventures - une "Secret Story" de la littérature.

Sauf que comme c'est de la littérature, c'est cool (CQFD). A lire donc pour se détendre ; c'est plus dense que ça en a l'air (plus de 300 pages tout de même !) et instructif malgré ses défauts... Une petite sucrerie, entre le plaisir coupable (on a l'impression d'assister à une émission où chacun se tire dans les pattes) et la bonne conscience (c'est noble, c'est littéraire, c'est mon droit de m'en amuser, non ?).
Eggdoll
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Quand on s'ennuie dans le train on peut emporter avec soi...

Créée

le 22 janv. 2013

Critique lue 328 fois

3 j'aime

Eggdoll

Écrit par

Critique lue 328 fois

3

D'autres avis sur Une histoire des haines d'écrivains

Une histoire des haines d'écrivains
ThierryCabot
8

Une histoire des haines d'écrivains d'Anne Boquel et d'Etienne Kern

Quelle chose horrible ! Trop d'écrivains, et non des moindres, se sont jalousés, méprisés, haïs.La littérature fourmille d'exemples où, sans aucun état d'âme, des artistes ont cloué leurs pairs au...

le 16 nov. 2022

Une histoire des haines d'écrivains
Melopee
7

Lorsque les écrivains se déchirent !

Quand une amie m'a prêté ce livre, je me suis tout d'abord dit "quel intérêt y a-t-il à parler des relations orageuses entre écrivains?". C'est donc dans cet état d'esprit que j'ai commencé cet...

le 7 juil. 2016

Du même critique

L'Insoutenable Légèreté de l'être
Eggdoll
10

Apologie de Kundera

On a reproché ici même à Kundera de se complaire dans la méta-textualité, de débiter des truismes à la pelle, de faire de la philosophie de comptoir, de ne pas savoir se situer entre littérature et...

le 11 mars 2013

156 j'aime

10

Salò ou les 120 journées de Sodome
Eggdoll
8

Au-delà de la dénonciation : un film à prendre pour ce qu'il est.

Les critiques que j'ai pu lire de Salo présentent surtout le film comme une dénonciation du fascisme, une transposition de Sade brillante, dans un contexte inattendu. Evidemment il y a de ça. Mais ce...

le 6 mai 2012

71 j'aime

7

Les Jeunes Filles
Eggdoll
9

Un livre haïssable

Et je m'étonne que cela ait été si peu souligné. Haïssable, détestable, affreux. Allons, c'est facile à voir. C'est flagrant. Ça m'a crevé les yeux et le cœur. Montherlant est un (pardonnez-moi le...

le 22 mars 2017

50 j'aime

5