On a beau être un inconditionnel de Murakami depuis 1990 (date de sa première traduction en français : La course au mouton sauvage), la question se pose : comment encore être étonné par l'écrivain japonais (qui n'a toujours pas eu le Prix Nobel !) ? La réponse tient dans les premières pages du Meurtre du Commandeur : d'emblée, l'étrangeté de la situation exposée intrigue et impose de poursuivre sa lecture avec une gourmandise non dissimulée. En attendant le Livre 2, ce premier tome, intitulé Une idée apparaît, est impossible à résumer (tant mieux d'ailleurs, c'est la meilleure preuve de sa richesse). Au centre du récit, un peintre de 35 ans, que sa femme vient de quitter et qui se cherche autant dans son art que dans sa vie privée. Après une errance sur les routes du Japon, Il emménage dans une maison isolée dans la montagne et le voici mûr pour accepter les dysfonctionnements du réel, autrement dit, des événements bizarres qui vont "égayer" son quotidien. Le meurtre du Commandeur est dans la lignée de 1Q84 mais suffisamment différent pour ouvrir de nouvelles et excitantes voies narratives. Car plusieurs intrigues se chevauchent avec grâce et limpidité : une clochette tintinnabule dans la nuit, un voisin passe commande d'un portrait avant de demander un service surprenant, un personnage de petite taille sort d'un tableau ... Sans oublier l'histoire de l'ancien occupant de la maison, un peintre lui-aussi, qui a vécu à Vienne au temps de l'Anschluss. Bref, il se passe de drôles de choses dans ce roman qui se lit aussi comme un hommage vibrant à tous les arts, notamment la peinture traditionnelle japonaise ou la musique classique occidentale. Au bout de ce premier livre, il n'existe aucune alternative : vite s'atteler à la lecture du second, au titre prometteur : La métaphore se déplace.