Yukio Mishima est dans doute le plus célèbre auteur japonais du XXe siècle. Son premier recueil de nouvelles, Une mâtiné d’amour pur, contient 7 nouvelles parues majoritairement à la fin des années 40.
Ce livre, qui se dévore sans difficulté, disons le, propose quelque chose de rare chez les recueils de nouvelles : non pas une suite d’histoires génériques, non pas des récits qui peuvent se relier par leur contenus, mais bien une atmosphère globale. On de vraies thématiques unifiant l’intégralité du récit. Globalement c’est une vraie aspiration à une poésie de vie, à quelque chose qui nous dépasse. Même si ce qui nous dépasse peut être tragique, voir horrible.
Le lecteur accède à un monde propre, celui de Mishima, avec une atmosphère qui est tout aussi personnelle. Atmosphère dans laquelle on retrouve la volonté de la poésie, une poésie de vie qui amène à vouloir vivre plus, comme Une histoire sur un Promontoire le monde. Une vie qui peut s’incarner dans la vengeance (la Lionne), l’horreur (le Cirque), l’érotisme (Haruko, Un voyage ennuyeux et Une matinée d’amour pur).
On notera ainsi les thématiques propres et déjà marquées de Mishima : le meurtre d’innocents selon des considérations plus hautes (éthique, esthétisme), le goût d’une vie poétique dévorant la vie plus en profondeur (globalement toutes les nouvelles), l’érotisme bien entendu (avec des situations souvent étranges). On note la volonté d’unifier d’une part la figure du maître esthétique, de cet esthète qui accède, en quelque sorte, à un autre niveau du réel, et d’autre part la figure de l’amant qui est à part, comme sorti du monde, dans une relation érotique jugée comme totalement anormale.
Si certaines nouvelles sont relativement oubliables, comme le Papillon, d’autres sont bouleversantes de puissance comme Haruko, qui fut pour moi le temps le plus fort du recueil.
Un sommet de l’art japonais, demandant de maîtriser aussi bien la sagesse grecque, le romantisme français que la subtilité japonaise. Mishima montre en quelques pages seulement (moins de 300) qu’il est effectivement de ses auteurs qui marquent leur siècles.
La lecture est rapide, on avance vite et on dévore chaque nouvelle avec une aisance totale. Pour autant, le recueil ne demande guère de pauses. Il faut tout lire en quelques jours pour s’imprégner de l’ambiance désirée par Mishima.
Mishima nous montre déjà, encore dans sa jeunesse, ses thématiques principales : la poésie d’une vie pleinement vécue, mais qui ne peut plus l’être, car nous sommes tous déjà trop vieux en ce monde. Il ne nous reste que nos vaines tentatives pour lutter contre cela : la haine et l’érotisme.
Une poésie sensuelle entre vie et mort, entre honneur et passéisme, entre le Japon et l’Occident.