Hélène Grandjean est une Mouret par son père et une Macquart par sa mère. Sa grand-mère, Adélaïde Fouque dont est issue toute la dynastie des Rougon-Macquart, est en clinique psychiatrique à Plassans pour de graves troubles nerveux.
Hélène, elle, tient de son père. Elle est saine d’esprit et dotée d’une grande beauté. Mais Jeanne, sa fille a la santé fragile. A onze ans, la fillette, a des crises de tétanie ou d’épilepsie assez impressionnantes. C’est d’ailleurs sur l’une d’elle que le roman débute. Nous sommes à Paris. Hélène a quitté sa Provence natale pour suivre son époux, mort dès leur arrivée dans la capitale. Du coup, Hélène se retrouve seule avec sa fille dans un petit appartement sur les hauteurs du Trocadéro. Il fait nuit, c’est l’hiver et rien ne parvient à calmer Jeanne. Le lecteur commence à craindre pour la vie de l’enfant lorsque la mère, au comble de l’inquiétude, se rue hors de son logement pour mander le médecin de famille. Mais le vénérable praticien a déjà été appelé au dehors. Paniquée, Hélène erre dans le quartier et finit par frapper à une porte au hasard. Et le hasard fait parfois bien les choses. La porte en question est celle de son propriétaire, médecin lui aussi. Hélène qui avait oublié ce détail, ne perd pas son temps à se féliciter de l’aubaine et entraine le jeune homme à sa suite pour courir au chevet de sa fille. La crise est grave mais Henri parvient à sauver Jeanne.
Dès cet instant, Hélène est fréquemment conviée dans la famille Deberle. Au côté du médecin et son épouse, Hélène et Jeanne profitent du jardin et des réceptions mondaines que le couple donne régulièrement.
Et ce qui devait arriver, arriva. La belle Hélène tomba amoureuse du jeune médecin, tandis que le jeune médecin tomba amoureux de la belle Hélène. Zola aurait pu passer ensuite à l’évocation de leur belle histoire d’amour, mais l’auteur a préféré doter Hélène d’une solide conscience. La jolie veuve répugne à dévoyer un homme marié. Dotant que l’épouse de celui-ci est devenue une bonne copine. Ca ne se fait pas !
Le médecin se morfond donc et Hélène souffre le martyre. Mais l’honneur est sauf et personne n’en pâtira au moment du jugement dernier. Souffrez en ce bas monde, vous n’en serez que plus gâté dans l’au-delà. Nos deux tourtereaux jouent donc à je-t’aime-moi-non-plus pendant que Jeanne enchaine des crises qui ne laissent pas prévoir une fin marrante à ce huitième Rougon-Macquart.
C’est à ce moment que Zola place un rebondissement qui ouvre de vastes perspectives : Hélène découvre que Juliette Deberle n’est peut-être pas aussi vertueuse qu’elle. L’épouse du docteur a un amant. Que ses propres atermoiements sont ridicules ! Carpe diem : croque la pomme lorsque celle-ci t’es offerte. C’est une chance à ne pas manquer. Car pour être honnête, on n’est pas bien certain d’être mieux loti une fois au ciel.
Hélène envisage donc de revoir ses positions (sans jeu de mot)…
Zola signe là un joli roman. L’atmosphère est austère, mais Hélène est aisée et évolue dans un cadre privilégié. Nous sommes loin de la misère dans laquelle se débattent les Lentier. Loin aussi de l’opulence des Rougon. L’histoire d’Hélène, ce sont les incessantes descriptions de Paris que la jeune femme contemple longuement depuis la fenêtre de sa chambre. Ce sont aussi les riches soupers, les bals dans les riches appartements des Deberle. Ce sont aussi les misérables faubourgs qui enlaidissaient encore les environs de Passy. Cette juxtaposition des dorures et de la boue qui salit le bas des jupons des dames comme il faut et qui fournit l’aumône aux plus démunis qui tendent la main par nécessité ou par habitude.
La verve de Zola est ici au service de Paris dont les toits sont merveilleusement décrits dans le soleil couchant. L’histoire d’Hélène est une histoire simple, dramatique. Digne. Et belle.