« Ses trois derniers livres n’avaient emballé ni la presse, ni les lecteurs. Il était passé de mode. Ou il avait écrit de mauvais romans. En matière de littérature, le succès, l’échec, tout cela lui semblait relever en partie du malentendu, de l’air du temps ou des circonstances. De la chance il en avait eu très tôt, et par paquets entiers. Elle avait fini par le quitter, voilà tout. »
Ainsi s’exprime Paul Lerner, double littéraire très fictif d’Olivier Adam, déjà croisé dans plusieurs romans, avec sa compagne Sarah et leurs enfants Manon et Clément. C’est la lose pour Paul, après plusieurs années passées à Saint-Malo il a convaincu (facilement, on le verra) sa petite famille de la nécessité d’un retour à Paris (là où « tout » se passe versus la désolation du bord de mer hivernal (mais surtout son désert culturel) (image frappante de sa prise de conscience, d’ailleurs, « on n’a pas soixante-dix ans, merde »)) mais il y ont brûlé la chandelle par les deux bouts. Trop cher, trop de sollicitations, et le succès qui se dérobe pour Paul. Bref, les voilà revenus la queue entre les jambes, exilés de l’autre côté de l’eau, même plus les moyens de se loger à Saint-Malo. Le maire lui a obtenu un poste de journaliste local, Sarah a pu avoir une mutation, Clément à dix ans est heureux partout mais Manon, adolescente, vit très mal cet exil. Paris lui manque atrocement. Paul n’est pas heureux mais Paul n’est jamais heureux et n’a toujours pas fait ce travail sur lui-même qui lui permettrait peut-être de comprendre pourquoi. Non, lui, il préfère constater, se trouver incompréhensible et puis se dire oh allez, après tout hein. Avec un petit whisky et un cigarillo, de préférence (seul passage que je n’ai pas aimé, tiens, la piteuse défense du fait de fumer. Le ridicule n’est pas dans la cigarette électronique, non…).
« Comme toujours il redoutait la confrontation, d’avoir à hausser le ton, d’en faire trop ou pas assez. Comme toujours et face à n’importe quelle situation, il n’avait aucune idée de la façon dont il lui fallait agir. Et dire que pendant des années il avait prétendu comprendre quelque chose aux relations humaines, aux sentiments, au point d’en faire des livres qui avaient l’ambition d’éclairer son prochain. Quelle imposture. La vérité, c’est qu’il n’avait jamais rien compris à cette vie. Et qu’il avait toujours été incapable de s’y mouvoir. »
Et puis les choses s’emballent, Sarah ment sur son emploi du temps, Manon fugue pour retourner à Paris, une femme semble le suivre de près, un de ses articles ne va pas du tout plaire au maire, Paul ne va plus avoir beaucoup de temps pour pleurer sur son sort…
Enfin un roman d’Olivier Adam qui me surprend ! Le ton, en premier lieu, qui flirte avec la farce (c’est discret, hein, pas de franche rigolade, mais), qui a des accents de Philippe Djian, on visualise ce grand dadais de Zorg, un peu, une ambiance, comme ça, la manière dont le vrai se mêle au faux (bien malin qui pourrait trier d’ailleurs), et puis le tournant dramatique qui déboule sans qu’on l’attende (en tout cas moi je ne l’attendais pas) et qui apporte un élément de vrai suspens qui a conquis toute mon attention. L’épilogue, aussi, apaisé, esprit de Noël, tout ça, différent. L’ensemble est entraînant, intéressant, sent bon l’iode et le vent cinglant, même si tout n’est pas parfait, loin de là. Pas mal de redites (certaines pas huilées), un peu trop de poncifs, mais c’est bien mené, ça touche et on apprécie, au passage, l’espèce d’hommage rendu à Kad Merad via son avatar de Castro. Beaucoup aimé !