Parue en 1830 et intégrée plus tard dans la Comédie Humaine, la nouvelle 'Une Passion dans le désert' se déroule en Egypte, bien loin de l'atmosphère lourde et humide de Paris mais aussi bien loin du Delta et narre une étrange et curieuse passion vécue par un simple soldat échoué dans le désert après une attaque de nomades arabes. Comme a son habitude, Balzac brosse une peinture tout à fait saisissante et poétique des lieux, en l'occurrence du Sahara et de sa lumière.
A l'instar de Jésus jeûnant quarante jours et tenté par le Diable dans le désert, le simple soldat doit affronter la chape de plomb de Râ, la sécheresse râpeuse du simoun, la faim, la soif et la solitude. Au plus fort de son calvaire qui le fait alterner entre abandon à la mort et lueur d'espoir lorsqu'il trouve de quoi survivre un peu plus longtemps ou se laisse prendre à la malice d'un mirage, il rencontre une "sultane du désert", majestueuse princesse des dunes qui règne en maître sur son domaine sableux.

Balzac inverse l'assimilation de la femme au félin qui partagerait à la fois son élégance racée et son caractère capricieux - son pelage et ses crocs - Eros et Thanatos. On pense bien entendu à la future panthère de Barbey d'Aurevilly du Bonheur dans le Crime et aux femmes fatales de fin de siècle, illustrées par Gustave Moreau ou Beardsley. La passion, plus que l'amour, a toujours eu cette part de bestialité primaire, fureur fauve façonnée de stratégies meurtrières et de baisers ensanglantés. De telle manière que le héros revoit avec nostalgie une ancienne amante, surnommée "Mignonne", dans le caractère jaloux de cette compagne d'infortune.

Simple anecdote naturaliste ? Nouvelle fantastique aux sous-entendus troubles ? Conte philosophique ? On y trouve aussi de légères fragrances de rêve et de mysticisme qu'imposent ce pays intérieur encore Terra Incognita en ce premier tiers de siècle et l'on imagine sans peine que cette panthère serait en réalité Aménet ou Anat, succube ou magicienne ancestrale métamorphosée pour tromper le malheureux fantassin, le séduire et le dévorer.
Nushku
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le 5 déc. 2011

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