Une promesse par BibliOrnitho
Dans un petit village de Mayenne, un étrange ballet est organisé autour d’une maison isolée. Sept amis d’enfance se relaient pour sonner, toquer à la porte, entrer, ouvrir les fenêtres, dresser une table pour deux chaque soir, changer les draps du grand lit chaque semaine. Pour faire du bruit.
Nous sommes chez Fauvette et Etienne, deux petits vieux aux habitudes rangées, amoureux fous. Fauvette remplit inlassablement ses grilles de mots croisés. Quant à Etienne, il consigne scrupuleusement chaque visite dans un petit cahier bleu avant d’admirer quotidiennement sa magnifique collection de timbres dans laquelle ne figure qu’un seul spécimen : une vignette rouge de 1924 commémorant les JO de Paris sur laquelle figure Milon de Crotone fendant un chêne en deux à mains nues.
Lucien – dit bosco –, Ivan, Paradis, Berthevin, Léo, Madeleine et Constant Blancheterre se retrouvent ensuite au bar de Lucien. Pour prendre le verre de la promesse. Celui qui maintient le groupe soudé autour de leur devoir de mémoire, leur refus de l’oubli. Mais les résolutions vacillent. Un vent de démotivation souffle dans les rangs. Non pas qu’on ne veuille plus, mais le courage tend à flancher. Berthevin n’est pas entré ce matin. Et bien qu’il affirme le contraire, il s’est contenté de sonner et de faire le tour de la bâtisse sans se douter que la clé qu’il serrait dans son poing ne fonctionne plus depuis belle lurette. Léo non plus n’entre plus depuis quelques temps. Paradis, lors de son dernier passage, a oublié de remonter l’horloge et Madeleine n’a pas rempli le broc d’eau comme à l’accoutumé. Peu à peu, le mystère de cette routine s’éclaircit. Le lecteur pénètre la vie des protagonistes et leur histoire.
Un roman très simple mettant en scène des personnages ordinaires, un peu frustes. Modestes. Monsieur et madame toute-le-monde vivant de peu dans une campagne à l’écart du monde trépidant. Des personnages plus vrais que nature parfaitement bien campés qu’on a l’impression d’avoir en face de nous. Une histoire simple contée magnifiquement par un écrivain de talent. Monsieur Sorj Chalandon signe ici un livre à l’atmosphère paisible. Un livre de détails mettant en scène un trousseau de clés qui tintent et battent à chaque pas sur la cuisse de son propriétaire, un cycliste prudent qui descend de vélo à chaque carrefour, une veilleuse attrapeuse d’âmes montée sur un socle de bois multi-centenaire, Madeleine une femme qui pleure beaucoup…
Je retrouve avec un plaisir immense l’écriture de Chalandon, pleine de finesse et de poésie. De délicatesse, de justesse. D’émotions, d’amitié et d’amour. Et de pudeur. Une écriture riche et sobre à la fois. Concise, évocatrice. Sorj n’en fait pas des tonnes mais fait mouche à chaque fois : il a décidément le don des formules.
Je suis conquis !
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