Je suis devenu un adepte de Laure Murat il y a quelques années suite à la lecture de ses deux ouvrages passionnants sur l'histoire de la psychiatrie. Ma femme m'a donc offert l'un des derniers essais qu'elle a publié il y a 5 ans. C'était le cadeau de Saint-Valentin, ce qui est assez ironique au regard du sujet du livre. Le sous-titre complète en effet le titre interrogatif et énigmatique de cet essai.
Que peut-on en dire ? Laure Murat a toujours fait preuve d'une rigueur universitaire dans l'écriture de ses livres. Ici elle est forcée de traiter d'un sujet d'actualité, dont la difficulté repose dans l'absence de toutes les sources concernant les exemples qu'elle veut apporter à sa démonstration. Cet état de fait condamne ses réflexions à une caducité prochaine, plus ou moins éloignée.
Dans son essai, je découvre la facette féministe de Laure Murat qui m'avait jusque-là échappé, obnubilé que j'étais par la puissance de ses récits.
J'ai ainsi découvert le contexte idéologique dans lequel elle s'inscrit. Descendante par son père de la maison Murat et formée à l'école des hautes études en sciences sociales, elle cumule le fait de suivre une suivre une psychanalyse, d'être féministe et d'avoir une orientation politique de gauche : elle coche donc toutes les cases de l'intellectuelle parisienne. Enfin, il faut savoir distinguer l'homme (ou plutôt dans notre cas la femme) de l'historienne.
Ma manière de la présenter pourrait être interprétée comme un ad hominem mal placé, mais bien au contraire il va me permettre d'illustrer un point de ma critique. Tout au long de son essai, elle ne cesse de faire mention des poursuites judiciaires qui ont suivi les révélations sur Harvey Wenstein et des différents mouvements de dénonciations sur les réseaux sociaux. Mais à aucun moment, elle n'abord en profondeur le cas du commun des mortels. Elle tend à généraliser à la condition masculine les conduites répréhensibles de certains hommes qui ont tous en commun de faire partie des élites économiques ou culturelles. Elle dénonce le patriarcat dans les mondes du cinéma et de la littérature, sans prendre le recul nécessaire sur des enquêtes d'opinion pour étendre ses réflexions à l'ensemble de la société. A la lecture de son essai, j'aurai plutôt tendance à dire que le problème se situe dans les sphères de pouvoir. La généralisation au reste de la société me semble hasardeuse.
C'est un défaut que j'ai souvent remarqué avec les gens de gauche, c'est qu'il privilégie leur idéaux au risque de vivre dans la dissonance cognitive et le paradoxe plutôt que d'accepter le réel tel qu'il est. Enfin ceci n'est que mon point de vue. L'inverse pourrait être affirmé par quelqu'un de gauche à l'adresse d'une personne de droite.
Quoi qu'il en soit, on reconnaît la forme de Laure Murat par son style direct et précis, bien rédigé et la grande rigueur dans l'utilisation de ses sources.
En somme, un essai intéressant mais qui ne déconstruit pas assez les causes du phénomène observé au profit de l'explication simpliste "le patriarcat c'est mal."