Un ténébreux roman. (Attention, légers spoils.)
J'ai bien aimé cette oeuvre. Vraiment. Alors pourquoi "seulement"6 ? Pour deux raisons : la première, c'est que comme son titre le laisse présager, l'oeuvre est ténébreuse.
L'affaire dont veut nous parler le titre se dessine à la toute fin du roman ; pourtant, le début est extrêmement obscur, et il faut, pour comprendre quelque chose, avoir une solide connaissance du contexte politique de l'époque (juste avant le sacre de Napoléon) ainsi que du fonctionnement des terres, titres, et autres joyeusetés assez pointues. Ainsi, on voit une série de personnages apparaître assez rapidement sans pouvoir identifier qui est qui, entre les royalistes, les jacobins et les partisans de Napoléon.
La seconde raison découle naturellement de la première : difficile de s'intéresser au propos, d'être emporté par l'histoire quand on peine à emboîter toutes les pièces de l'histoire en question. Il m'a fallu, oh, peut-être plus de 100 pages pour vraiment apprécier ma lecture.
Outre ces reproches que je fais au livre, causés sans doute par mon indécente inculture, l'oeuvre mêle savamment intrigues politiques et histoire plus frivole (l'amour déchirant de l'héroïne, Mlle de Cinq-Cygne, pour ses cousins jumeaux Messieurs de Simeuse). On a une alternance très intéressante des deux tableaux.
Une autre qualité de l'oeuvre est de brouiller les pistes : il n'y a pas un seul héros, mais il y en a plusieurs, et il est assez déconcertant de constater que celui qui semble avoir une place majeure au début est finalement un peu en retrait par la suite.
L'histoire, en tout cas, tient en haleine. Très peu de temps morts, sans pour autant qu'on ait le sentiment d'être embarqué à toute vitesse dans des aventures folles, car après tout, le récit prend place presque uniquement dans un seul lieu, et les grandes actions d'éclat sont des échos, lointains mais pourtant très perceptibles, de par l'implication des personnages.
On appréciera aussi des subtilités des conversations et les finesses des personnages, dont certains admirablement peints par Balzac, avec de petites interventions de l'écrivain dans le récit.
Enfin, il faut dire que le procès final est très intéressant, car on ne peut malheureusement toujours juger du talent d'un avocat, mais ici on est spectateur et on se délecte de son déroulement (heureux ou malheureux, c'est une autre histoire, je vous laisse le découvrir !).
En bref, un Balzac méconnu, pointu, mais relativement court et prenant une fois passés les premiers obstacles. Parfait à placer dans une dissertation littéraire !