Une note ? Non. J'ai pensé à ce putain de paquet de Fines 120 rouge, ces filiformes cancerettes que ma tante laissait traîner sur la table du salon tandis que je m'ennuyais, la nuit, sur le lit de sa bibliothèque, à essayer de décrypter les Discours de la méthode, pour faire le malin, durant cet été où les services secrets français avaient coulé un bateau d'activistes écologistes et que la rémanence de mon premier baiser reçu sous le ciel grec me brûlait encore les lèvres.
L'aridité de Descartes et l'introduction suicidaire de l'édition de poche qui le présentait comme inutile et incertain me précipitaient dans ce qui deviendrait l'un de mes plus grands vices aux côtés d'un entêtement démesuré et d'une curiosité maladive.
La Fine 120, un duel perdu d'avance, une cigarette qui fait tousser un adolescent trop fier pour écouter le cri d'alarme de ses poumons, un objet sans doute nocif mais plein de promesses, un artefact industriel auquel on attribue des propriétés farfelues et réconfortantes et, quoi qu'on en dise, un rite de passage pour des générations entières de futurs mourants pris dans son chant de sirène. La première cigarette est toujours un combat dans lequel nous attiré le mystère, l'aspect insondable de la réalité qui nous entoure, la volonté d'être, quoi qu'il en coûte au milieu de l'absurde.
Fumer tue. Mais on sait qu'il y a pire que la mort et, surtout, qu'il faut parfois gratter, creuser, appréhender et accepter ses faiblesses, prendre de mauvais chemins puis revenir sur ses pas, trouver le bon quitte à se sculpter au scalpel s'il est trop étroit, trop difficile à pratiquer et se mettre en danger pour ne pas prendre le risque passer à côté de l'un de ces diamants que la vie nous cache sous des couches épaisses de carbone sale et toxique.
Vous l'aurez compris, ou pas, je viens de fumer mon premier Pynchon. Vente à la criée du lot 49. La suite, on verra.
PS : "note obligatoire". Holly shit.
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