Vents
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Vents

livre de Saint-John Perse (1946)

Saint-John Perse à son sommet...

- RELECTURE -
Lors d'une séance de dédicace (merci aux éditions Attila !) la semaine dernière, le grand Jacques Abeille a eu cette belle phrase (en substance) : "C'est seulement au fil des années que l'on réalise la chance d'avoir été baigné aussi bien par Saint-John Perse que par Frédéric Dard".

On ne saurait être plus d'accord... et grâce au grand styliste, une irrépressible envie de relire du Saint-John Perse, mon poète favori, de loin, des années lycée / prépa - et souvent relu ensuite -, m'a saisi.

Avec "Vents" en 1945-46, le souffle épique est à son apogée sans doute, plus fort que dans "Anabase" que j'eus la chance de disséquer jadis avec un autre grand styliste, Jean-Marc Agrati, et moins précieux peut-être que dans le redoutable "Amers". L'ironie, saine, y a aussi fait son apparition, discrètement.

"C'étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde,
De très grands vents en liesse par le monde, qui n'avaient d'aire ni de gîte,
Qui n'avaient garde ni mesure, et nous laissaient, hommes de paille,
En l'an de paille sur leur erre... Ah ! oui, de très grands vents sur toutes faces de vivants !

Flairant la pourpre, le cilice, flairant l'ivoire et le tesson, flairant le monde entier des choses,
Et qui couraient à leur office sur nos plus grands versets d'athlètes, de poètes,
C'étaient de très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde,
Sur toutes choses périssables, sur toutes choses saisissables, parmi le monde entier des choses..."

"Au chant des hautes narrations du large, elles promenaient leur goût d'enchères, de faillites ; elles disposaient, sur toutes grèves, des grands désastres intellectuels,
Et sur les pas précipités du soir, elles instituaient un nouveau style de grandeur où se haussaient nos actes à venir ; (...)

Elles infestaient d'idées nouvelles la laine noire des typhons, le ciel bas où voyagent les beaux édits de proscription, (...)"

Avec "Chronique" en 1959-1960, au moment de la réception du prix Nobel, on est dans la conclusion de l'œuvre (il n'y aura que le presque bizarre "Oiseaux" ensuite).

"« Prédateurs, certes ! nous le fûmes ; et de nuls maîtres que nous-mêmes tenant nos lettres de franchise – Tant de sanctuaires éventés et de doctrines mises à nu, comme femmes aux hanches découvertes ! Enchères aux quais de corail noir, enseignes brûlées sur toutes rades, et nos cœurs au matin comme rades foraines... (...)

« Nous n'avons point tenure de fief ni terre de bien-fonds. Nous n'avons point connu le legs, ni ne saurions léguer. Qui sut jamais notre âge et sut notre nom d'homme ? Et qui disputerait un jour de nos lieux de naissance ? Éponyme, l'ancêtre, et sa gloire, sans trace. Nos œuvres vivent loin de nous dans leurs vergers d'éclairs. Et nous n'avons de rang parmi les hommes de l'instant. (...)

« Grand âge, nous voici. Rendez-vous pris, et de longtemps, avec cette heure de grand sens."

Toujours aussi étonnante, toujours aussi inspiratrice, cette poésie d'une force extraordinaire continue à irriguer les sens et l'intelligence des lecteurs et des écrivains.
Charybde2
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le 8 sept. 2011

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Charybde2

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