« Vers la violence » est un regard. Celui qu’une fille, Lou, pose sur Gérard, son père. Une façon de voir ce « monstre à deux têtes ». Une façon de comprendre sa face lumineuse et sa face obscure.
Tout est dans la complexité de ce « et ». La part de Lou qui « se glace » et l’autre qui « sourit » en se souvenant : « les deux ont raison. » La juxtaposition de son admiration et de son dégoût. Elle trace les contours de cet homme : « élans joyeux et brutaux», «crises, et de folie et de joie », « ses histoires, ses fantaisies, ses mensonges et son flingue. » Un « monstre de joie » «solaire (…) soleil, cruel. » .
Oui, moi aussi, j’ai été ensorcelée par l’univers imaginaire de cet « homme-fiction » pour qui les vagues de la mer sont des « projectiles envoyés par Amphitrite, déesse de l’océan, et par ses sbires, les poissons-loups» ; les algues, ses missives ; la bouée jaune au loin, « la balise du territoire des dieux ». Un «pacte d’imaginaires», une «bulle » enveloppante de secrets qu’il ne faut à aucun prix percer, une confiance donnée : « celle d’une petite fille : sans limites. Absolue. ». J’ai ressenti d’abord, avant de voir s’éclaircir et vivre ces « loyautés tacites, les plus solides, qui naissent pendant l’enfance et dont on ne se défait jamais tout à fait» ; cette « plaie sale » des révélations qui n’ont plus grand chose à voir avec un « trésor » et cet état de vigilance permanente.
Alors qu'est-ce que ça fait d'être la fille de ce père-là ? Comment transformer ses héritages ? Qu'inventer pour vivre, pour que vitalité et violence cohabitent ?
Comment s'échapper aussi ? Et quel est le prix de la liberté ?