Mai 1885, Victor Hugo vit ses derniers jours, alité, malade, ses petits-enfants Jeanne et Georges à son chevet, ainsi que ses autres proches, sa belle-fille, Alice et son nouveau mari Édouard Lockroy. Et d'autres encore, et des médecins, des sommités de l'époque qui diffusent régulièrement l'état de santé de l'écrivain.


La police, la préfecture et le ministère de l'intérieur commencent à craindre des débordements lors de l'enterrement du grand homme : les révolutionnaires, les anarchistes et les petites gens indépendamment, tous veulent y être, les premiers avec des revendications, des drapeaux, les autres, pour remercier le défunt d'avoir parlé d'eux dans ses livres mais aussi à l'Assemblée. C'est un casse-tête pour les officiels qui veulent éviter les débordements certes, mais surtout que l'enterrement devienne une vraie manifestation. Et l’Église qui s'en mêle, qui ne supporte pas qu'Hugo ait refusé de voir un prêtre, qu'il ne veuille pas de cérémonie religieuse et qu'il aille au Panthéon redevenu église sainte Geneviève et qui à partir de 1885 perdra définitivement son statut religieux, la croix surmontant l'édifice sera même ôtée à cette occasion.


Judith Perrignon décrit cette ambiance, dans une République encore jeune et fragile, la Commune de Paris n'a pas quinze ans. Elle écrit également les ambiguïtés du poète, qui défendit les plus faibles tout en ne dédaignant point les honneurs voire les flatteries : "Déjà son anniversaire, il a quatre ans, fut fête nationale, on célébra ses soixante-dix-neuf ans en grande pompe, on baptisa l'avenue qu'il habitait de son nom, six cent mille personnes défilèrent sous les fenêtres de cette maison blanche où il vient de mourir. [...] ... et lui qui saluait, pas mécontent du tout, vieil Hugo populaire, ami de la pompe, des parades et des défilés, immortel avant d'être mort, grand-père de tous, dieu du siècle des grands hommes, jusqu'au grotesque parfois." (p.66)


De grandes phrases, élégantes, gracieuses qui font parfois, comme celle de l'extrait dans le grandiloquent pour mieux décrire ce qui se passait ces jours de mai 1885, pour représenter ce qu'était Hugo pour les Français : adulé, adoré, jalousé, détesté, envié... C'est un très beau texte, un peu long parfois, mais on suit ces jours de préparation de la fête nationale que furent l'enterrement et la panthéonisation de cet homme avec ceux qui les vécurent au plus près des événements. Victor Hugo est mort un 22 mai, il y a 138 ans.

YvesMabon
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le 2 juin 2023

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Yv Pol

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