J’étais déjà convaincu rien qu’avec le titre du premier chapitre ; je trouve ça très habile de commencer un récit écoféministe avec la voix d’une femme qui s’appelle Ève. Pour tout le symbolisme autour, je sais pas d’où ça vient mais nickel. Et puis faut être sacrément intelligent dans une dystopie je trouve dans la vie ; c’est vrai, de pouvoir construire une histoire autour de toutes les angoisses d’aujourd’hui en imaginant ce que tout pourrait devenir si … ?
Est-on vraiment à ce point aussi éloigné de la dystopie de Wendy Delorme ? J’imagine que c’est ce que tout bon roman de SF balance comme argu pour se vendre au mieux. Le talent mon gars c’est pas donné à tout le monde, mais j’avais déjà lu les textes recueillis par l’autrice dans son essai Reclaim ainsi que le collectif d’autriX féministes dont elle est membre et j’ai toujours été conquis par sa prose et son besoin de nous nourrir.
Viendra le temps du feu est un recueil de plusieurs voix narrant la dictature dans laquelle sont coincé.es les personnages ; une ancienne qui permet de nous apprendre ce qui s’est passé au pire des moments avant la bascule, un couple qui vit ensemble afin de cacher leur identité sexuelle et leurs idéaux (l’homosexualité étant bannie), et d’autres femmes qui rendent compte des lois liberticides qu’ielles subissent quotidiennement (livres interdits, système économique basé sur la distribution d’avoirs selon ce que produit ou comment se reproduisent chaque individu), …
À aucun moment je me suis senti étouffé. Pourtant la poésie est dense, rendant la narration assez complexe, mais les chapitres courts permettent de faire des pauses et j’ai été agréablement surpris par la fluidité après avoir raccroché tous les wagons. Wendy y distille quelques éléments culturels et sociétaux de notre époque (l’alter égo de Greta Thunberg et l’incendie de Notre-Dame) servant à alimenter ses propos mais qui nous invitent nous aussi, lecteur.ices à rentrer dans ce roman.
Cette dictature pronataliste permet à l’autrice d’ajouter une bonne touche Atwood, ce qui n’est pas pour déplaire, en ce qui me concerne (lisez Margaret Atwood, promis on en sort plus grand).
Et n’ayez pas peur de lire ce livre, il anesthésie au début de par sa langue et sa codification, mais une fois le sas passé, on s’en délecte avec le plus grand intérêt !