Brontë-concaténation : à Villette, Jane Eyre est professeur.
Villette, c’est une ville dans un royaume, imaginé par C. Brontë, dont les noms des habitants évoquent une basse-cour anthropomorphe (l'auteur a une préférence pour les insulaires et non, ça ne se ressent pas du tout). L’histoire reste classique pour l’auteur. Je m'explique.
Chez Charlotte Brontë, les héroïnes sont des jeunes femmes bien souvent orphelines, ou du moins sans ressources, esseulées donc, devant se trouver un emploi sous peine de devoir élire domicile dans la lande, au milieu des bruyères malmenées par le vent. Vu l’époque, et étant dotées d’un sens moral irréprochable, elles finissent professeur, gouvernante ou dans toute autre situation du même acabit.
Indépendantes, elles marchent la tête haute et souffrent pourtant énormément de la solitude. L’accent est mis sur leur caractère. Elles possèdent une volonté à toute épreuve, pouvant aller jusqu’à l’entêtement, et un profond désir d’indépendance s’accommodant très mal des compromis moraux. Elles restent dans le rang sans y rester : les carcans de l’époque sont dénoncés mais les héroïnes parviennent à en faire abstraction, en donnant seulement de l’importance à ce qui en a pour elles. Ainsi, affranchies en quelque sorte de leur époque, elles possèdent une intemporalité qui fait que l'on peut encore s'identifier à elles ; et ce, même si l'on n'est pas fille de pasteur réduite à la mendicité, ce qui n'est clairement pas un avantage évolutif de prime abord.
Les autres femmes intervenant dans les romans, malgré leurs rôles importants dans l’intrigue, restent secondaires du fait de leurs traits de caractère (curiosité excessive, coquetterie, superficialité et leurs pendants), signes éminents de faiblesse et d’incapacité pour l’auteur, et servent de faire-valoir aux qualités de l’héroïne.
Passons ensuite aux personnages masculins, bien moins nombreux. Parmi les saillants interviennent un blond, très anglo-saxon, bien sous tout rapport et un brun, plus brouillon et doté d’un caractère ombrageux. Je vous laisse découvrir de votre propre chef qui a les faveurs de la « pas-forcément-belle-mais-intelligente-et-somme-toute-pas-si-raisonnable », après que son cœur n’ait pas tant balancé que ça.
Car si les héroïnes sont réfléchies et pleines de bon sens, en matière d’affaires de cœur, elles se posent peu de questions : leur âme sœur apparaît (après quelques péripéties et malentendus, sinon c’est trop facile) comme une évidence, pour elles comme pour le lecteur.
Le vrai reproche que je ferais à Charlotte est sa dépréciation systématique des continentaux ; quand il ne s’agit pas des Français, les Belges ou les Flamands s’en prennent plein les dents. A son crédit, elle en fait parfois des héros intéressants, tout en s’attardant longuement sur leurs défauts, ce qui, je me dois de le reconnaître, est finalement un avantage !
Même si à force de lire ces bouquins je devine la trame de l’histoire dès les premières pages, je ne m’en lasse pas. Ce sont des livres dans lesquels je me réfugie quand une crise de misanthropie me guette. Dans ces moments, j’apprécie de suivre un personnage qui ne s’embarrasse pas de l’avis des autres et mène sa barque à la force du poignet, sereinement, selon ses principes, du moins tant qu’un n’Homme ne lui tourne pas trop autour. Ce n'est d'ailleurs pas si grave, l’histoire d’amour permet de conclure sur une note douce et pleine d’espoir qui ne (me) fait pas de mal.
Et Villette ne déroge pas à la règle.