C'est en lisant la critique de @Plume du roman Villette que j'ai découvert l'existence d'autres romans de Charlotte Brontë … J'en étais toujours resté au merveilleux "Jane Eyre" que j'avais noté 10 sur SC et qui, indépendamment de ça, fait partie depuis très longtemps de mon Top20. Heureuse surprise donc, mais challenge difficile pour le roman s'il veut atteindre le niveau (pour mon compte) de Jane Eyre.
À vrai dire, c'est un curieux roman que ce "Villette" qui met en scène une jeune fille puis dame, Lucy Snowe, anglaise et protestante, instruite mais sans fortune, vouée à l'état de dame de compagnie puis d'institutrice. Après une enfance heureuse puis une première expérience, elle embarque et traverse le Channel pour échouer dans le royaume de Labassecour chez les labassecouriens. Mieux, le prince héritier s'appelle Dindonneau…
Alors là, ça m'a perturbé que Charlotte Brontë - que j'estime beaucoup et que je considère comme très bien élevée – dénigre à ce point ces pauvres belges qui, au moment de la rédaction du roman, en étaient aux balbutiements de la construction de leur pays. Puis à force de chercher, j'ai découvert quelque chose qui me satisfait un peu. Grâce à l'aide d'un éclaireur (Merci Blanchefleur !), j'ai trouvé la version originale du roman sur le "projet Gutenberg" qui, au passage contient énormément de locutions en français dont on ne se rend pas compte à la lecture de la traduction. Et la Belgique s'appelle aussi Labassecour sauf que, pour le lecteur anglais lambda non francophile, ça ne doit pas faire pareil … Puis j'ai découvert qu'en fait Charlotte avait vécu en Belgique à Bruxelles, avait connu un jeune homme catholique et riche mais que le mariage n'avait pu se faire à cause des religions différentes et de l'opposition des familles française et catholique. De plus, la Belgique tendait à se démarquer de la France et des Pays-Bas en acceptant beaucoup de gens de nationalités différentes et donc de langues, donnant l'impression de piailler comme dans une immense basse-cour. D'où une grande amertume chez Charlotte Brontë qu'elle a traduite à sa façon …
Ces deux problématiques se retrouvent d'ailleurs parfaitement dans le roman. Cela explique l'espèce de distance (je n'irai pas dire haine ou de mépris, quoique) que l'auteure met avec le catholicisme et les catholiques foncièrement prosélytes, que ce soit Mme Beck, la directrice de l'école, manipulatrice en diable et le père Silas, apparemment sympa et compatissant mais vigoureusement et viscéralement opposé à la religion protestante… L'un comme l'autre (la junte !) iront même jusqu'à comploter contre Lucy Snowe.
Que dire d'autre sinon, que le personnage de Lucy Snowe est passionnant. Un personnage intelligent et rigoureux, solitaire et timide qui n'est pas sans rappeler, par certains côtés, le personnage de Jane Eyre justement. J'ai bien aimé les scènes très touchantes de retrouvailles avec certains personnages comme le docteur John.
J'ai fini par apprécier ce collègue, infatué et insupportable, M. Paul dont la relation avec Lucy tenait du sado-masochisme… Avant de comprendre que derrière la posture, il y avait un homme avec un cœur (même s'il est catholique, nul n'étant parfait)
Superbe roman, un peu long, passionnant avec des personnages détestables et d'autres magnifiques. Le roman ne réussira pas toutefois à détrôner "Jane Eyre". Il est vrai que le combat était un peu truqué.
Le prochain de Charlotte Brontë sera Shirley ... dans quelques mois. Mais avant, il y a une autre découverte à faire, c'est Agnès Grey de sa sœur Anne.