Villette" est la capitale du royaume imaginaire de Labassecour, une cité qui ressemble étrangement à Bruxelles. C'est là que les sœurs Brontë ont fait l'expérience de l'enseignement, à la pension Héger. Et c’est là que Lucy Snowe, l’héroïne de cette histoire, postule comme professeur d’anglais, sans se douter qu’elle va y trouver l’amour.
Le roman comporte deux parties : la première, plutôt brève, raconte l’adolescence de Lucy chez sa marraine Mrs Bretton. La jeune fille y côtoie John-Graham son sympathique cousin, mais elle y rencontre aussi une étrange enfant blonde, dont la précocité n’a d’égale que son adoration pour Graham. Puis vient une période difficile d’apprentissage. Lucy, désormais sans famille, décide de quitter l’Angleterre pour gagner sa vie comme préceptrice. Après un passage en France, elle se rend à Villette, à la recherche de la pension Beck. La voici institutrice. Dépourvue d’expérience, Lucy doit néanmoins imposer son autorité à des dizaines d’élèves turbulentes. C’est aussi dans cette institution que Lucy fait des rencontres déterminantes : la frivole Ginevra Fanshawe, une pensionnaire qui se prend d’amitié pour elle, le professeur de lettres Paul Emmanuel, et le docteur John, un jeune médecin qui ne laisse pas Lucy indifférente. Mais la vie réserve encore bien des surprises à notre héroïne ! Pendant les grandes vacances, par un soir d’orage, Lucy erre le cœur gros aux portes de la ville, lorsqu’elle est recueillie par le docteur John. L’occasion d’en découvrir davantage sur ce séduisant personnage…
Ce roman d’apprentissage est un curieux mélange de romantisme et de réalisme, le tout saupoudré d’humour anglais. Comme dans "Jane Eyre", Charlotte Brontë dépeint ici une héroïne singulière, au caractère bien trempé, éprise de solitude et peut-être un rien bigote. Malgré sa droiture morale, Lucy ne correspond pas tout à fait au modèle de féminité en vogue au XIXème siècle. Son tempérament fier, indépendant, sa capacité à tenir tête aux hommes et son côté asocial en font un personnage bizarre. Serait-ce le reflet de la personnalité de l’auteure ?
J’ai apprécié ce roman pour la qualité de l’écriture, ainsi que pour son côté vivant : l’atmosphère du pensionnat par exemple y est fort bien décrite et on sent que l’auteure a réellement vécu les situations évoquées. Par ailleurs, je me suis demandé si le professeur bourru du roman, M. Emmanuel, avait un lien quelconque avec Constantin Héger, le directeur dont Charlotte Brontë était éprise. Enfin, comme dans tous les romans "brontiens", la psychologie joue un grand rôle. Ici, la confrontation entre Lucy et Paul Emmanuel constitue un fil conducteur - et n'est pas sans rappeler les rapports orageux entre Jane Eyre et M. Rochester.
Malgré ses qualités indéniables, « Villette » souffre aussi de quelques défauts. Les tendances moralisatrices de Lucy sont parfois déplaisantes et lui donnent un côté vieille fille. Ce roman est d’un genre hybride, une sorte de compromis entre l’esprit indépendant des Brontë et la morale victorienne ; il n’a ni l’audace de « Jane Eyre » ni la puissance envoûtante des « Hauts des Hurlevent ». Mais ce qui m’a le plus dérangée ce sont les longueurs ! Dans la deuxième moitié du roman, l’histoire piétine vraiment ; aussi les 600 pages auraient pu être amplement réduites sans nuire à l’action, ni même à l’atmosphère. A lire tout de même par les fans des sœurs Brontë et les amateurs de littérature britannique.