Quoi de plus naturel quand on enfouit ses pieds dans le sable fin de l'île de Ré, que de s'absorber dans la lecture d'un bouquin contant les aventures de scientifiques naviguant parmi les mystères des fonds marins, histoire de se mettre dans l'ambiance ? C'est une idée qui surgit assez naturellement lorsque nos yeux tombent sur une illustration qui ferait écumer les bouches les plus sèches : ce duel magnifique entre cet énorme poulpe à l'aspect mortifère et cet homme nullement effarouché, protégé par le vaisseau puissant qui l'abrite et les connaissances recensées dans l'immense ouvrage scientifique à ses genoux... Les deux protagonistes rivalisent de majesté. Bordel, je veux connaître l'histoire de cette scène, qui est cet homme, qui est ce poulpe, quel est ce vaisseau, qu'est-ce qu'ils foutent là, quelles sont les péripéties qui entourent cette rencontre, je veux suivre ce type qui semble prêt à affronter des créatures millénaires hibernant dans les coins les plus plus sombres des océans !
Je délivre donc le livre des étagères du petit musée jouxtant le phare des Baleines et file sur une des plages à l'ouest de l'île. Là, j'ouvre le bouquin, et je laisse mon regard suivre les lignes.
Il écrit avec passion Jules Verne quand même, il aurait pu remplacer tous les points et les virgules par des points d'exclamation, ça aurait été plus approprié. Mais très vite, quelque chose me rebute. C'est qu'il raconte de ces trucs... je comprends que dalle ! Jules, j'ai arrêté les maths en 2nde, la SVT et la physique en 1e, alors tes calculs incessants à la limite du trouble obsessionnel compulsif portant sur la mesure de la hauteur de la vague aperçue près d'un îlot situé par 15° 57' S, 5° 42' W, et tes multiples descriptions de l’œil gauche des animaux lozophaires non segmentés à symétrie bilatérale, franchement je m'en branle.
Et c'est au milieu d'une lutte acharnée pour entretenir un soupçon d'intérêt pour l'histoire que Jules m'a achevé, là, à la 113e page, dont j'ai retrouvé l'extrait assassin sur le web :
L’embranchement des zoophytes offrait de très curieux spécimens de ses deux groupes des polypes et des échinodermes. Dans le premier groupe, des tubipores, des gorgones disposées en éventail, des éponges douces de Syrie, des isis des Molluques, des pennatules, une virgulaire admirable des mers de Norvège, des ombellulaires variées, des alcyonnaires, toute une série de ces madrépores que mon maître Milne-Edwards a si sagacement classés en sections, et parmi lesquels je remarquai d’adorables flabellines, des oculines de l’île Bourbon, le «char de Neptune» des Antilles, de superbes variétés de coraux, enfin toutes les espèces de ces curieux polypiers dont l’assemblage forme des îles entières qui deviendront un jour des continents. Dans les échinodermes, remarquables par leur enveloppe épineuse, les astéries, les étoiles de mer, les pantacrines, les comatules, les astérophons, les oursins, les holzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz..."
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