En 2022, le jury du Goncourt se déchire entre 2 finalistes : Vivre Vite de Brigitte Giraud et Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli.
Vivre vite n’est couronné qu’à l’issue des quatorze tours réglementaires, par 5 voix contre 5 à Giuliano da Empoli pour Le Mage du Kremlin (Gallimard). Seul le vote prépondérant du président du Goncourt, Didier Decoin, a fait la différence. Du jamais-vu depuis 1996.
A priori, ce ne fût pas un débat léger entre sages, Le Monde s’est même fendu d’un article, dont voilà un extrait qui donne le ton : "les jurés qui défendaient Giuliano da Empoli sortent exceptionnellement de leur réserve pour exprimer leur dépit, voire leur colère. « J’ai connu des présidents, à l’académie Goncourt, qui ont toujours dit : attention, ne partons pas vers un 14e tour, car je ne veux pas avoir à user de ma deuxième voix », lance dans les couloirs Pierre Assouline, une flèche visant Didier Decoin. « Je regrette qu’on n’ait pas couronné un grand livre », déclare dans la foulée Tahar Ben Jelloun, ravalant Vivre vite au rang de « petite autobiographie ».
Quelques semaines plus tôt, Le Mage du Kremlin remportait le Grand Prix de l'Académie Française et était annoncé comme le grand Favori, on le voyait déjà rafler la double mise, comme ce fut le cas il y a 20 ans avec Jonathan Littell et son incroyable "Les Bienveillantes".
Mais voilà, les pronostics sont faits pour être déjoués et Vivre Vite remporte le Goncourt à la surprise générale (et l'agacement de certains jurés donc).
J'ai donc bien sûr acheté les 2 livres pour me faire ma propre opinion. Je dois dire que j'aurais probablement eu du mal à trancher car les 2 livres sont très bons, mais néanmoins très différents (on compare clairement des ouvrages qui ne sont pas comparables). Le livre de Brigitte Giraud a peut être été couronné pour saluer l'oeuvre de l'écrivaine (son 14ème livre tout de même, pour le 2ème seulement pour Empoli). Peut être aussi qu'ils ont voulu éviter le sujet hautement politique de la critique de Poutine en pleine invasion de l'Ukraine. Certes, Vivre vite m'a vraiment touché, voire remué à certains moments. Mais je me suis aussi dit que si le couple était resté ensemble, ils auraient probablement fait l'expérience de tous les autres couples : la routine, l'enlisement, la lassitude, le désamour. Ici, la mort subite en plein été, dans la fleur de l'âge, a forcément un côté très romantique. Je crois sur parole Brigitte Giraud quand elle parle de sombrer dans la folie. Mais il y a un côté un peu trop nostalgique, qui me fait penser qu'on cède toujours à la tentation d'embellir les choses avec le temps et de nourrir cette douce mélancolie. En tout cas un bon livre, ce n'est certainement pas une "petite autobiographie", maintenant de là à recevoir le prix littéraire suprême, en effet, je reste dubitatif. D'autant plus que Le mage du Kremlin est un train bon livre, d'une gamme supérieure selon moi. On se cultive, on découvre cette mentalité Russe qui est si loin de la nôtre, on comprend des choses, et on savoure le style littéraire de l'auteur, qui au delà de la belle écriture, nous amène à nous questionner, sur des sujets profonds.
A vous de faire votre choix!