Cet objet-livre est composé ainsi : autour de la fameuse lettre publiée sur facebook, qui ne fait qu'une page avec difficultés encore, est agglomérée une suite de petits récits, écrits en gros et plein de pages blanches et de titres de chapitres, indifférents, mols et abrutissants, d'un narrateur égocentrique qui refuse de parler de quoi que ce soit hormis son fils et ses compotes, son bain, ses comptines, qui ne pense qu'à lui et parle à la place de son fils, et ressasse, et ne parle jamais de l'attentat mais seulement du deuil. Sauf que. C'est écrit. Comme une rédaction de lycéen. Qui se force. Très mal écrit. On prend pour de l'émotion des phrases courtes. Il ne pense rien de rien. Ni de la mort, à peine. Ni des attentats. C'est écrit comme ça. Que des phrases amputées. Prenant des à-coups forcés et précoces pour de la profondeur. La mort de sa femme, je vais le dire, est mise en scène, ne serait-ce que dans la page d'exergue. On n'apprend rien sur sa femme, si ce n'est qu'elle aimait le maquillage et Led Zeppelin dans sa jeunesse. J'aurais voulu savoir si elle buvait de l'eau plate ou gazeuse. Si elle aimait les pommes et les bananes. Il est toujours dans cet entre-deux où il écrit sur quelque chose que finalement, il n'a pas envie de le livrer. Et il n'a rien à dire d'intéressant, mais se prend très au sérieux, dans une espèce d'humilité béate et insipide. Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un drame qu'il faut se faire avoir à ce point-là. Les morts et les catastrophes méritent plus qu'une mauvaise littérature qui refuse de penser et d'écrire.
Il s'autorise parfois à des sentiments envers sa mort, ce qui est littéraire, et puis on se retape la niaiserie et les faux-semblants ; il y a des choses hallucinantes. Ce n'est pas assez ce masochisme collectif de se faire massacrer par centaines mais de encore se refuser à la colère, à la réflexion, à une quelconque énergie forte et naturelle hormis ce repli égoïste et panoptique, et indécent, sur soi soi soi, mais il arrive à écrire que ça aurait pu être autre chose, comme un cancer, ou un chauffard, ou une bombe atomique... Vraiment ? Les morts ne sont pas égales, les sentiments non plus. On se retrouve avec des phrases incroyables : une où il "détourne les yeux pour ne pas entendre", mais où les mots "parviennent à transpercer la vapeur de la machine à expresso". C'est parce que tu souffres que tu devrais impunément écrire avec les genoux. Donc c'est extrêmement court, mal écrit, narcissique, générique, indifférencié, et au final je n'ai pas réussi à le lire autrement que comme le livre justement d'un journaliste banal et parisien qui perd sa femme et écrit tant bien que mal quelque chose de tout à fait plat. Si l'on enlevait la douleur à laquelle on peut s'identifier par empathie, ce ne serait même pas un brouillon pour élève de CE2. Les islamistes sont décrits comme des "hommes en colère", sérieusement ? Dans un passage, il arrive à parler à la place de son fils pour dire : "vous n'aurez pas sa haine non plus". Mais peut-être que ton fils, Antoine, aura envie d'avoir la haine, ou au moins la colère, ou au moins quelque chose, et c'est à espérer que lui n'en fera pas des maigres pages collées ensemble, et qu'il ne le vendra pas près de treize euros prix de sortie, et qu'il laissera sa mère, en paix et sans hommage que son amour qui lui fut arraché.