"C'est des hommes et seulement d'eux qu'il faut avoir peur".
(GROS SPOILERS DANS LA CRITIQUE)
Voyage au bout de la nuit. Un titre énigmatique, presque un poil surréaliste. Rien qu'en le lisant, je me suis demandée quelle était cette "nuit". Cela évoquait l'obscurité, le fait de ne rien voir.
Et puis on lit (ou plutôt, on dévore) ce roman et tout devient clair. Pour moi, ce livre est l'histoire d'un traumatisme, d'une désillusion, les questionnements de toute une génération. Un peu à la manière de "La Confession d'un enfant du siècle", de Musset, Céline raconte ici dans cette auto-biographie un peu cachée les événements de l'entre deux guerres avec l'oeil d'un homme traumatisé et blessé de la guerre. En effet, les premières pages montrent un Ferdinand très différent de ce qu'il deviendra. On peut voir que cette guerre reviendra plusieurs fois au cours de ses voyages : des bruits, des personnes, des situations, des sensations qui viendront raviver cette douloureuse expérience du front.
Voyage au bout de la nuit, c'est aussi la description, la géniale peinture d'une société bouleversée. Les actions de chaque personnage trouveront une explication dans les bouleversements sociaux et culturels de cette période. Toutes les classes sont décrites avec un grand pessimisme. Chacun aura sa propre vision et sa propre explication, mais pour ma part, le point de départ de tout cela est la guerre. Cette guerre sera le début de la noirceur de Bardamu.
Il y a aussi Robinson, ce personnage qui revient sans cesse. Une sorte de personnification du passé douloureux de Ferdinand. Chacune de ses apparitions de lui évoque que du chagrin et est le signe annonciateur d'une rechute. La mort de Robinson/Léon est, d'après mes idées, un indicateur : le passé de Ferdinand, représenté par cet homme qui ne cesse littéralement de le hanter, est mort. C'est pour cette raison que je trouve la fin plutôt optimiste ; comme-ci, au final, Ferdinand y était arrivé, au bout de la nuit, au bout de la tristesse et du chagrin. (Évidemment, chacun aura son opinion ; beaucoup d'éléments de ce livre sont implicites et donc, il y a forcément beaucoup d'avis différents).
Céline fait preuve d'une plume splendide dans cette oeuvre. Un langage argotique très recherché, un vocabulaire très bien manié et riche, des personnages très intéressants, une véritable intelligence et des belles réflexions. Bref, Voyage au bout de la nuit est un roman magnifique, tragique, que je conseillerais à tous!