Voyage au bout de la nuit par Aliochka_

Louis-Ferdinand Céline.

Ces trois mots révèlent déjà beaucoup d'un homme, d'un écrivain tout autant haïssable que remarquable. C'est cet étrange mélange de haine et de talent qui constitue Voyage au bout de la nuit (1932) .

Le Voyage reflète avec précision la vision d'une époque qui s'est confrontée à la guerre. Ici ,il est question de la Première Guerre Mondiale. Céline a été médecin et il fut soldat sur le front en 1914.

Cette expérience de la guerre le marqua à jamais et lui conféra son profond pessimisme ,voire nihilisme selon certains.

La nature humaine le dégoûte ,l'Homme n'est finalement qu'un insecte, "un aptère" ,un être rampant et dégueulasse. Voici l'idéologie célinienne. Ce pessimisme ambiant se retrouve lors du récit de la vie de Bardamu.

Céline nous brosse un portrait de l'Homme, il le décrit comme un être lâche ,dénué d'espérance.

En cela ,l'écrivain se démarque par son profond manque d'humanisme.

Bardamu est ici la créature qui satisfait tous ses désirs: "Je l'aimais bien sûrement ,mais j'aimais encore mieux mon vice ,cette envie de m'enfuir de partout ,à la recherche de je ne sais quoi ,par un sot orgueil sans doute ,par conviction d'une espèce de supériorité."(p.293)

Quelle créature bien curieuse que l'Homme!

Tous les vices que possèdent Bardamu révèlent l'absence de foi de l'écrivain en l'Homme. La guerre provoqua en lui ,une incompréhension. Incompréhension de cette furie ,cette folie qui pousse les Hommes à s'entretuer.

La mort est aussi partie intégrante du roman ,elle est toujours sous-jacente. Bardamu est obsédé par la mort ,par le passé: "Elle était bien en chair Molly ,bien tentante. Mais j'avais ce sale penchant aussi pour les fantômes.[...]La vie vous force à rester beaucoup trop souvent avec les fantômes."(p.300)

Ici ,les fantômes de la guerre viennent le hanter ,ils l'obsèdent. La mort triomphe face à l'amour ,symbole de vie. Cet affrontement entre ces deux notions mériterait davantage d'approfondissement ,cependant trop développer reviendrait à ne pas synthétiser le Voyage.

-Bon Céline t'es lourd ,le Voyage c'est que cette noirceur ?T'as pas de la légèreté à nous proposer ?

Certes ,le Voyage est une œuvre profondément sombre mais Céline propose un peu d'humour pour rendre le roman plus digérable .Cet humour est décrit par le cynisme dont il use vis-à-vis des situations de gens ordinaires .Tout au long du roman ,l'auteur fait preuve de cynisme et dénonce la bêtise des Hommes .On peut prendre le cas des épiciers Puta ,ces derniers vont jusqu'à abattre leurs chiens: "Je les ai fait abattre! Ils me faisaient du tort !Ça ne faisait pas bien au magasin!...Des bergers allemands![...]Mais les nouveaux chiens qu'on a sont bien gentils ,c'est des écossais..." (p.140).En bref ,le Voyage se singularise par sa profonde violence .Même le langage est violent ,les personnages emploient de l'argot: "Eh bien tout de même t'y mets du temps"(p.390).Ici ,le langage est familier ,cru et rude ,il n'y aucune place pour de la douceur .Le langage est cru comme la vie durant la guerre, cru comme les morts qui pleuvent et comme le désespoir qui s'est installé.

Au fond, on se demande si Céline n'est pas qu'un Homme déçu ,qui avait de l'espoir en l'Homme et la société et qui perdit tout amour envers l'Humanité .Certaines phrases laissent planer le doute: "La misère poursuit implacablement et minutieusement l'altruisme et les plus gentilles initiatives sont impitoyablement châtiées"(p.403).

Une chose est certaine: l'Homme se balade dans la nuit. Mais qu'est ce que la nuit? Où conduit-t-elle?

La nuit est donc ce vers quoi tend l'Homme: l'Homme vit ,puis il meurt .Vient ensuite le néant qui est la fin de toute chose, le chemin que prend l'Homme le conduit ainsi vers le vide.

Voyage au bout de la nuit ce n'est donc pas la joie, Céline expose son amertume et son cynisme mordant .Cela fait certes sourire dans un premier temps et il faut avouer que l'être humain a des côtés néfastes et franchement abjects.

Cependant, cette misanthropie assumée fait de ce roman une lecture lourde et éprouvante.

En bref, on est heureux de commencer ce livre mais on s'avère l'être encore plus une fois qu'on l'a fini.