Voyage au bout de la nuit, c'est d'abord un livre qui met mal à l'aise. Tres mal à l'aise. Cette écriture si inhabituelle (l'utilisation de l'argot est magnifique à mon goût), cette forme originale, ce "je" omniprésent, au début on a du mal à appréhender le livre. Puis on commence à comprendre Bardamu, notre anti-héros qui erre de la 1ère Guerre Mondiale jusqu'à sa place de directeur d'asile en passant par l'Afrique, les Etats-Unis ou encore Rancy.
Nihilisme, anti-colonialisme, anti-nationalisme, anarchisme, anti-capitalisme, absurdité de la vie sont les visions que montre l'auteur à travers ce magnifique roman. N'y voyez pas un quelconque gauchisme dans ces adjectifs, Céline déteste le communisme ou le socialisme de toute son âme. Les personnages dont Bardamu analyse si bien les traits rendent le livre encore plus plaisant à la lecture. Les envolées philosophiques de Bardamu sont simples, efficaces et inoubliables : "Faire confiance aux hommes c'est déjà se faire tuer un peu"
Le premier roman de Céline vous plonge dans un monde absurde, dénue de bonheur et d'espérance. Le corps humain n'est voué qu'à pourrir et à faire souffrir les êtres humains. Une effroyable lucidité ressort de ce livre.
Il est aussi une fresque historique très intéressante notamment au niveau des mentalités de l'époque (Quelques passages racistes malheureusement lorsque Bardamu est en Afrique) et des conditions de vie en Afrique pour les colons, des ouvriers en Amérique ou encore des soldats lors de la grande guerre.
Bref, on ne peut pas faire le tour de ce livre tellement il est riche, c'est peut-être à ça qu'on reconnaît les grands livres.
C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir
(Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline, 1932)