Amis nostalgiques de Marie-Pierre Planchon et de sa célèbre météo marine de 20h05 sur France Inter, consolez-vous car avec son "Voyage autour du monde" Louis-Antoine de Bougainville vous abreuvera de vents mollissants et de précipitations persistantes jusqu'à plus soif. Avis de grand frais sur les Malouines, vent force 4 à 5 au large de Montevideo, tandis que l'anticyclone se renforce sur Tahiti, brise forte sur les Moluques.
Vous l'aurez compris, pour apprécier la prose du grand navigateur, mieux vaut avoir le pied marin. D'ailleurs, l'auteur lui-même annonce la couleur dès l'introduction et déclare que son écrit n'est pas destiné aux profanes mais bien aux marins, de façon quasi exclusive. Moi qui croyais aimer les récits de navigation, j'ai pourtant bu la tasse plus d'une fois et il s'en est fallu de peu que je rende mes tripes par-dessus le bastingage. Diantre, c'est que la houle fut sévère au passage du Cap Horn.
1766 - 1769 : Mr de Bougainville fait son tour du monde en 1 280 jours avec deux vaisseaux, "La Boudeuse" et "L'Etoile". S'il emmène avec lui, outre ses officiers et ses équipages, un naturaliste, un ingénieur, un astronome et un aventurier, il invite également à son bord le lecteur auquel il expliquera tout dans le détail : état de la mer, paysages, identification des terres, découvertes des populations, mœurs, etc. Voilà, vous êtes prévenus.
Pour ma part, j'ai beaucoup plus apprécié ses considérations sur les peuplades patagones et polynésiennes que les multiples détails maritimes. Louis-Antoine de Bougainville se fait tour à tour anthropologue et géographe, le tout dans un esprit philanthropique très en phase avec Les Lumières. Je regrette seulement que l'abondance de détails ait nui à la fluidité du récit pourtant forcément palpitant quand on se représente une seconde les conditions de voyage et d'exploration de cette époque, la virginité des découvertes et l'exaltation des navigateurs.
Je rejoins l'avis général quant aux superbes chapitres sur Tahiti, véritable paradis terrestre ; ils envoient du rêve, on a juste envie de tout plaquer et d'y aller à la nage fissa !